Atlantique

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Le premier film de Mati Diop, Grand Prix du Festival de Cannes cette année.

Après de nombreux courts métrages, et une carrière d’actrice, la nièce de Djibril Diop Mambety se lance dans la réalisation d’un long métrage, déjà en sélection officielle et en compétition à Cannes. Il va de soi qu’il est difficile de partager l’enthousiasme exagéré de la critique comme toujours au garde-à-vous dès qu’il s’agit de promouvoir un travail différent de la routine du cinéma français qui se contemple le nombril dans des comédies légères et répétitives. Ainsi, pour Véronique Cauhapé du Monde, « au troisième jour du Festival, un océan est venu engloutir puis hanter le bord de mer cannois. Atlantique s’est abattu avec la force d’une marée de pleine lune. Il est ainsi des films qui marquent d’emblée la rétine et occupent l’esprit longtemps après l’avoir touchée. » C’est un avis qui demande toutefois à être un peu nuancé, Atlantique n’est quand même pas le chef d’œuvre du siècle, et ce serait bien étonnant qu’il obtienne la Palme d’Or, même si quelques petits lots de consolation pourraient lui échoir surtout avec une sélection cette année assez chétive. Malgré une belle photo, et une mise en scène assez esthétique, le film pèche déjà par un manque évident de scénario et l’histoire semble osciller en permanence entre dénonciation sociale, monde des zombies et no man’s land où l’Afrique apparaît surtout comme décor.

 

 

Pourtant le film commence très bien par des plans bien sentis sur le monde du travail, celui des ouvriers exploités et peu ou pas payés qui s’échinent à construire une tour appelée Atlantique à Dakar. Puis, l’un de ces ouvriers d’une grande beauté, épris d’une très belle jeune fille, décide de partir avec d’autres camarades sur un bateau, alors qu’il ne sait pas nager, pour regagner l’Espagne. On se dit alors que pour un énième film sur les migrants si « à la mode » de nos jours, c’est plutôt sobre et bien parti. Mais il n’en est rien car nous voici presque tout aussitôt plongés dans l’univers de ces jolies jeunes femmes qui tiennent un bar et font des cocktails et qui, telles des Pénélope, attendent le retour de leurs Ulysse. Ils reviendront mais avec les yeux vitreux des zombies, et puis là, on perd un peu le fil car le film balance entre rêve et réalité, comme s’il ne savait pas où tanguer, comme si la réalisatrice avait quand même un peu perdu la barre, il faut le dire. Sans doute parce que le spectateur français, habitué au cinéma militant et dénonciateur qu’on lui assène depuis des années, a tendance à demeurer cartésien, on a beaucoup de mal à accepter la métaphore sous-jacente de la migration, vue non comme une manière d’échapper à la misère, mais comme une sorte d’initiation quasi vaudou. Mais l’oeuvre, hélas, se perd dans les vagues de cet océan qui a fini par engloutir tout le monde, même si on aimerait beaucoup adhérer à la critique de Karelle Fitoussi dans Paris-Match, eh oui ! : « Avec beaucoup de singularité, Mati Diop réinvente un lieu et exorcise la tragédie. Dans ses yeux, l’océan se mue en forteresse infranchissable et la nuit devient temps de toutes les magies. C’est ce qui fait la puissante beauté de ce Roméo et Juliette hanté dont le cri sourd et la douce mélancolie résonnent longtemps après la fin du générique. »

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Durée : 115 mn


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