Ariaferma

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Un film sur l’univers de la prison qui sort des clichés communs. Un chef d’œuvre.

Une histoire qui pourrait être vraie

Après L’intruse en 2017, voici le huitième film de Leonardo di Costanzo, réalisateur peu connu en France mais qui a une grande importance en Italie et dans le monde. D’ailleurs, si vous n’aviez qu’un seul film à voir en novembre, il faudrait que ce soit celui-ci car il va vous enrichir et vous ouvrir à d’autres modes de pensée notamment au sujet de la prison. Pour une fois, ce n’est pas non plus un film modelé par la pensée unique et la bien-pensance mais une vraie réflexion sur la manière dont une société s’articule. Auteur aussi de documentaires, Leonardo di Costanzo est allé dans les prisons à la rencontre des prisonniers et de leurs gardiens. Lors de ces réunions, il arrivait que les détenus et les surveillants se retrouvent dans la même pièce pour discuter avec le réalisateur. A ce moment, on aurait dit que les masques tombaient et que s’installait une sorte de convivialité jusqu’à ce que les matons, remuant les clés dans leurs mains, raccompagnent les détenus jusque dans leurs cellules et brisent cet état de grâce.

L’ absurdité de la prison

Ces rencontres ont motivé le film, magnifique, qui raconte bien sûr une histoire imaginaire dans une prison fictive isolée en Sardaigne. Les gens qui peuplent les prisons sont parfois proches et désorientés. Ils le sont encore plus dans le film car les surveillants, qui se retrouvent pour une ultime partie de chasse et un repas avant d’être éparpillés, puisque la prison va être délocalisée. Les prisonniers qui restent vont partager une autre partie en ruine de la prison en attendant d’être ensuite recasés ailleurs. « C’est justement ce sentiment de désorientation qui a motivé la réalisation de ce film : Ariaferma ne traite pas des conditions de vie dans les prisons italiennes, déclare le réalisateur dans le dossier de presse du film. C’est plus probablement l’absurdité de la prison elle-même que questionne le film. »

De magnifiques acteurs

On souvient du poème idéaliste de Louis Aragon qui contient ce vers à la fois mystérieux et humanisme : « Un jour viendra, couleur d’orange, un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront ». Le film d’une grande beauté plastique – dans de magnifiques noirs et blancs, et sépia du chef opérateur, Luca Bigazzi – est une fable sur un petit événement qui peut amener les hommes à se respecter et à devenir plus solidaires. Le film est servi par d’admirables acteurs qui portent le film, notamment bien sûr Toni Servillo qu’on ne présente plus et qui interprète le rôle d’un surveillant chef vieillissant à qui la directrice de la prison vient de confier une mission de confiance périlleuse, qui va lui permettre d’innover et de cesser d’être une machine servile. Le grand acteur Silvio Orlando interprète quant à lui un chef mafieux proche d’être libéré et à qui sera confié la responsabilité de préparer les repas des prisonniers et des surveillants. Son travail remarquable apporte une dimension particulièrement humaine à tout le film qui devient chef d’oeuvre d’émotion et de philosophie. On remarquera aussi Fabrizio Ferracane, Salvatore Striano et tant d’autres qui apportent chacun une pierre magnifique à l’édifice, bien dirigés par Leonardo di Costanzo qui en parle très bien dans le dossier de presse du film : « J’ai été très clair avec eux car j’avais besoin de leur entière disponibilité, considérant qu’ils mettaient leur carrière entre les mains de quelqu’un qui travaillait pour la première fois avec de grands acteurs. Ce furent deux jours pendant lesquels nous nous sommes observés de près pour tenter de livrer tout ce que nous avions en nous. Toni et Silvio ont été extraordinairement généreux en plus d’être extrêmement doués. Toni m’a dit en dialecte napolitain : « Je ne sais pas où tu veux nous emmener, mais allons là où tu nous emmènes ! ». Et c’est ce qui s’est produit. »

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Durée : 117 mn


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