Another Happy Day

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On ne choisit pas sa famille, paraît-il. Sam Levinson en fait la démonstration dans un premier film inégal.

« Je ne veux pas faire partie de votre famille ! Je vous hais ! ». Ces mots amers, prononcés par le jeune Dwayne (Paul Dano) dans Little Miss Sunshine, auraient pu être écrits pour Eliott (Ezra Miller, le diablotin de We need to talk about Kevin), autre adolescent à la tignasse brune et à l’œil hagard, épuisé de vivre en compagnie d’une « bande de cinglés ». S’ils avaient pu se rencontrer, ces deux-là se seraient découvert plus d’un point commun : une mère légèrement dépassée, un grand-père à la santé branlante, un(e) cadet(te) rondouillard(e) aux questions dérangeantes… Another Happy Day, comme Little Miss Sunshine, est la chronique cinglante d’une famille de névrosés et de ratés. A chacun sa maladie, son traumatisme, ses addictions, ses tics et ses tocs, ses crises de larmes ou ses éclats de rire hystériques. La famille d’Eliott ne cohabite pas dans une camionnette miteuse le temps d’un voyage mouvementé vers la Californie, mais doit se réunir à l’occasion du mariage de Dylan, le fils aîné de Lynn (Ellen Barkin). Le seul qu’elle n’ait pas élevé. Le seul à être sain d’esprit.

Les innombrables disputes et incidents de parcours permettaient, dans Little Miss Sunshine, d’affiner le caractère des personnages et de leur conférer une profonde humanité. On s’attachait sans le moindre effort à ces paumés qui, lentement mais sûrement, apprenaient à se supporter et même à s’apprécier. Rien de tel dans Another Happy Day : les protagonistes sont barjots, ni plus ni moins, et Sam Levinson semble se complaire à les exhiber comme des phénomènes de foire. Eliott agresse son entourage à tout bout de champ, son petit frère Ben fait preuve d’une obsession plus que douteuse pour le caca et leur grande sœur Alice (Kate Bosworth, toute en grâce et en finesse) se taillade les poignets pour attirer l’attention. La faute à qui ? A leur mère, Lynn, qui chouine du matin au soir et finit par s’effondrer dans le jardin sous le regard ahuri de ses géniteurs. Dans le rôle de la dépressive complètement à côté de la plaque, on préférait franchement Mary (Lesley Manville) dans Another Year de Mike Leigh. Une femme insupportable, un brin alcoolique, pipelette au possible, accablée par ses amours passées et ses projets d’avenir rarement menés à terme. Certes. Mais également une femme attachante, capable de faire naître chez le spectateur une fascination sans borne. A côté d’elle, la pleurnicharde Lynn fait pâle figure. Pire, elle agace. Sam Levinson voudrait ne porter aucun jugement sur cette mère indigne et indignée, mais n’y parvient guère. Qui pourrait espérer ne pas perdre la boule au contact de pareil individu ?

 
 
Les personnages secondaires, pour leur part, ont été dessinés en trois coups de crayon : les tantes et cousins d’Eliott ne sont rien d’autre que de petits êtres mesquins et stéréotypés, des mégères et des beaufs. La finesse et l’originalité de Little Miss Sunshine paraissent alors bien lointaines : chez Sam Levinson, le chaos familial ne tourne pas à la fête mais à la catastrophe. A trop vouloir jongler entre drame et comédie, le jeune réalisateur en a perdu l’équilibre. Malgré tout, Another Happy Day recèle quelques gags réussis (Ezra Miller amuse autant qu’il effraie) et plusieurs scènes poignantes. Lorsque les personnages déploient enfin leurs ailes et laissent s’exprimer leurs frustrations et leurs angoisses, on les découvre sous un jour nouveau. Pas si fous que ça, mais tout simplement humains.
 

Titre original : Another Happy Day

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Durée : 115 mn


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