Amer beton

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Blanc et Noir sont deux orphelins aux caractères différents, comme le laisse deviner leurs noms. L´un est innocent et lunaire, l´autre est violent et dur. Face à des yakusas désirant refaçonner Treasure Town à leur image, ils vont prendre des risques malgré leur jeune âge pour conserver leur quartier intact. Cependant, le véritable péril est […]

Blanc et Noir sont deux orphelins aux caractères différents, comme le laisse deviner leurs noms. L´un est innocent et lunaire, l´autre est violent et dur. Face à des yakusas désirant refaçonner Treasure Town à leur image, ils vont prendre des risques malgré leur jeune âge pour conserver leur quartier intact. Cependant, le véritable péril est ailleurs, dans la fragilité de leurs âmes.

Adapté du manga éponyme de Taiyo Matsumoto, le réalisateur, Michel Arias, offre un choc visuel hors du commun et une narration pleine de vérités, reflets de nos sociétés en crise. Spécialiste de effets spéciaux pour deux des Animatrix, Michel Arias propose une nouvelle interprétation inattendue des mangas. Le spectateur est d´entrée ébloui par le graphisme coloré, surprenant et audacieux. Les traits sont nets, lisses, clairs ; les finitions délicates et les expressions faciales tranchent avec la rigidité habituelle des personnages de mangas. Cette réussite est due à la combinaison de deux techniques : les effets numériques et les éléments dessinés à la main, c´est-à-dire entre l´infographie et l´animation japonaise traditionnelle. Pas besoin donc d´être puriste pour apprécier Amer Béton !

Même les plus réticents ne seront pas déçus. L´association est parfaite et tisse un pont entre la culture occidentale et orientale, comme un reflet de l´expansion du manga, devenu planétaire. Amer Béton en est l´exact modèle puisqu´il puise dans la mythologie grecque (Le Minotaure) et hindou (Ganesh), l´univers torturé de Francis Beacon et de Horst Janssen. Le plus intéressant reste sans doute la constance de cette prouesse visuelle qui nous tient en haleine tout au long du film, le spectateur étant capté par les images dynamiques et déroutantes qui dégagent un univers étrange et onirique. Cet aspect est aussi rendu grâce à la mobilité de la caméra. Aucun ennui ne se fait ressentir tant les plans sont différents et vifs. Rythmée par une bande son restituant au mieux l´atmosphère urbaine et la mélancolie des deux jeunes garçons, l´esthétique visuel d´Amer Béton laisse présager des beaux jours pour les mangas.

Les thèmes quant à eux sont à l´image du graphisme : riches et flamboyants. La ville, plus que les personnages de Blanc ou de Noir, est le véritable protagoniste et enjeu du manga. Treasure Town, métropole mondialisée où se côtoie Big Ben, Sainte Sophie et Ganesh, se dévoile au fur à mesure comme le morne reflet de nos sociétés. D´abord aveuglé par les couleurs pastels attrayantes, le spectateur se rend compte que tout ça est finalement qu´un leurre, un piège dans lequel sont tombés les adultes. En prenant du recul, la ville révèle son véritable visage : gris, austère et lugubre. La combinaison des deux aspects se retrouve dans nos villes : instabilité, peur, guerre inter-ethnique mêlées à l´espoir d´un monde meilleur et de bonheur.

L´inquiétante ressemblance avec nos sociétés est d´autant plus frappante que tout y est suggéré et interpelle notre vécu. La solution, apportée par Blanc et Noir, nous demande de croire en une dualité complémentaire, d´écouter les jeunes, source de renouveau. Rien n´est manichéen, Bien ou Mal. Un équilibre doit être trouvé entre la douceur de Blanc et la violence de Noir. Ce contraste est ressenti grâce aux alternances des envolées lyriques de Blanc qui ponctuent le film et aux scènes spectaculaires de combats de Noir. Cela rompt le rythme du film pour nous rappeler l´instabilité du monde en perdition. Triste regard sur nos sociétés, la subtilité d´Amer Béton réside ici, dans sa capacité à faire côtoyer la noirceur et la fraîcheur, la cruauté et la poésie.

Face aux jeunes révoltés et à leurs noms déshumanisés, le spectateur est touché. Ayant perdu la foi, ils tentent coûte que coûte de réagir, mettant toute leur énergie face à la décrépitude générale des adultes et à leur corruption. Cependant, ils restent fragiles et peuvent être rattrapés par la mort. Pris de compassion, on veut les aider et surtout confirmer le leitmotiv de Blanc : << Soyons heureux >>. Mais pour cela, rien n´est simple, d´où ce retour à la réalité. Le message est clair : cessons de vivre dans l´utopie et battons-nous.

Beau et étrange, réaliste et imaginaire, poétique et cruel, moderne et traditionnel, Amer Béton touche aussi bien par son réalisme que par son onirisme. Porteur d´humanisme, ce manga surprend et innove. A ne pas manquer.

Titre original : Amer beton

Réalisateur :

Acteurs :

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Genre :

Durée : 111 mn


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