5/9 – Il était une fois Clermont…

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Le numérique. Les facilités que la technologie nous offre se multiplient de jour en jour, et << l´internet >>, cette grande trouvaille de la fin du XXe siècle, augmente à l´infini le champ de vision qui s´ouvre devant nous. Pourquoi donc n´offrons-nous pas dans cette chronique, des liens pour visionner les courts dont on parle au jour le jour ?

La réponse est : l’humain, qui lui existe depuis un peu plus longtemps qu’internet, et qui ne se décidera jamais à choisir entre le tout privé ou le tout public. Les raisons sont confuses à vrai dire : apparemment, si les films en festivals étaient accessibles sur le net, la présence du public en salles et sur les festivals, diminuerait en proportion, à cause de quelque chose qui s’appelle « exclusivité ». Est-ce que cela est vrai ? Mais imaginez un instant que les festivals nous ouvrent une page web d’accès en streaming VOD aux films qu’ils projettent tout simplement pendant la stricte durée du festival en question. Est-ce envisageable ?

  • Pour l’instant, nous vous proposons déjà le visionnage d’un des films en compétition nationale Nouvelle Lune, de Benjamin Clavel, disponible spécialement pour vous sur www.6nema.com.

Interview du jour
 


Nicolas Schmerkin, producteur et distributeur de court métrage depuis dix ans avec sa société "Autour de Minuit".

Qu’est-ce qui vous a conduit vers le court et quels changements avez-vous vu ces dernières années au niveau de la production et de la distribution ?

Concrètement, mon envie de faire voir ce type de cinéma – né au début des années 2000 avec l’avènement et la démocratisation des outils technologiques et leur appropriation par des artistes ou des autodidactes pas forcément issus du cinéma – qui n’existait pas avant et que j’aimais, m’a conduit à faire de la production. Cette appropriation a permis d’aboutir à de nouvelles formes à la fois visuelles et narratives, film hybride transgenre ou mix média pas forcément narratif, souvent sans dialogues, alliant prise de vue réelle à différentes techniques d’animation. L’intention avec "Autour de Minuit" était d’amener ces artistes ou techniciens, qui travaillaient le soir pendant des années quand les machines étaient libres dans de grosses boîtes, à être produits dans le système (CNC, télés, régions…) comme des réalisateurs de court métrage traditionnel, qu’ils ne restent pas dans l’underground tant au niveau de la production et que de la distribution. Obras fut un peu notre profession de foi, prototype de ce que l’on voulait faire en terme artistique, technique et même en terme de production et de distribution. Sorte d’ovni visuel à la frontière de plusieurs genres, l’architecture, le design, l’animation, la peinture, avec un aspect documentaire (uniquement composé de photos de quartiers détruits de Barcelone), il nous a permis d’être sélectionnés pour les Césars et du même coup, une certaine reconnaissance publique de ce type de cinéma en ouvrant le champ à de nouvelles pistes. Rétrospectivement, le grand changement est l’apparition de ces nouveaux films puis à partir de 2006, 2007 qu’ils soient clairement intégrés dans le court métrage en général et non plus l’apanage de certains festivals spécialisés en animation ou en nouvelles technologies. La première décennie des années 2000 est à mon sens une convergence des nouvelles technologies, de nouveaux artistes, et des aspirations de spectateurs qui avaient envie de voir autre chose, expliquant en grande partie la reconnaissance de certains de ces films dans les grands festivals internationaux comme Venise, Cannes…

Un autre changement majeur concerne la distribution et reste à préciser car il nous concerne directement : c’est le changement des habitudes de consommation visuelle avec l’apparition des plateformes de téléchargement qui sont venues bouleverser un équilibre économique déjà fragile. Mais cela est en train de changer, la qualité de diffusion s’améliore de jour en jour et les réseaux semblent se structurer. Reste encore à réfléchir au problème de la gratuité et du piratage. On continuera toujours à privilégier la salle, puis la télé et le DVD mais il faut penser à internet pour apporter une deuxième, voire une troisième vie à la carrière des films avec des plateformes légales et cadrées qui rémunèrent les films à juste titre.

Votre vocation a-t-elle toujours été de faire du court ?

Je ne voulais rien faire au départ [rires…], ce sont des envies et des rencontres à un moment donné qui ont fait que je me suis mis à faire du court. J’ai fait du court parce que les projets qui se présentaient à moi à cette époque ne nécessitaient pas une durée plus longue que celle qu’ils ont, c’est-à-dire n’excédant pas les dix ou quinze minutes. Ils fonctionnaient de manière autonome sans pour autant être des cartes de visite ou des ébauches de longs. Maintenant, il se trouve que certains des réalisateurs que nous avons suivis veulent passer au long car ils se sentent à maturité tout comme nous. De toute manière, nous continuerons à faire du court pour les années à venir. Même si la finalité pour certains est de passer au long, nombreux sont ceux qui ne poursuivront que dans le court métrage.

Le Court du jour d’Amiel

 

Voyage à travers l’évolution historique des vitraux de la chrétienté dans sa période gothique française, tel est le postulat de départ de cette animation. Lentement, des panoramiques frontaux flottent sur des niches, des encorbellements, des motifs architecturaux pour venir se poser enfin sur les vitraux. Reprenant à son compte les codes esthétiques des vitraux et leurs strates hiérarchiques, les motifs de l’iconographie glissent sous nos yeux et se laissent enfin découvrir dans leur évolution.

Par une surimpression du temps, les vitraux s’émiettent en petits fragments symphoniques se recomposant devant eux. Par touches successives, la surface devient relief, le plan s’ouvre, une structure hétéroclite prend forme avec les éléments morcelés des vitraux. Décontextualisé de ses symboles historiques et culturels, le sacré et ses codes se trouvent mis à nu par la technologie. Le profane rejoint ainsi le sacré et le reformule à sa guise dans une déconstruction graphique qui nous remémore les grandes étapes d’une certaine histoire de l’art.

Variations, transmutations, ce voyage, plus qu’une simple hagiographie moderne de la chrétienté, réussit avec un agencement subtil et fin à réactualiser la majesté graphique de ses édifices dans un langage audiovisuel moderne.

De la poussière à la poussière, l’art est un éternel recommencement. Vase communicants, le relief redevient ainsi plan icône et se révèle dans sa forme la plus rudimentaire dans la dernière image du film. Seule demeure ainsi l’émotion des images.

Le Court du Jour de Lydia

Cette incroyable idée nous est exposée à travers trois cas précis : une jeune fille qui se fait faire la photo pour connaître l’aspect de son futur bien aimé ; un couple qui se photographie ensemble pour découvrir finalement l’homme à côté d’une autre femme… ; et le photographe lui-même, issu d’une famille qui, de génération en génération, se charge de mettre en marche l’appareil magique. Ce photographe, d’une cinquantaine d’années, a vu, d’année en année, à travers ces clichés magiques, grandir et commencer à vieillir sa future bien aimée, sans pour autant la connaître. Jusqu’au jour où, la dame en question, franchit le pas de la porte d’entrée de sa boutique…

Avec cette histoire fabuleuse, les réalisateurs posent les questions essentielles qui nous tracassent de temps en temps, autour du destin, de la fatalité, des choix que nous pouvons faire et des alternatives qui s’offrent à nous, sans pour autant tomber dans le pathos ou le pédagogique, au contraire.

Comment rendre compte d’une telle intention au cinéma ? Les réalisateurs ont choisi de parier sur une facture formelle très classique qui ne fait appel à aucun genre cinématographique précis, avec un éclairage réaliste sur des personnages banals au physique qui passe inaperçu, pour ne rajouter au tout qu’une seule touche de mystère magique à l’image. C’est à l’intérieur de l’ancien appareil photo que l’on aperçoit une petite lumière chaude en mouvement, en attente. C’est cette touche d’irréel dans une mare de normalité qui rend à la fois unique et vraisemblable le tout, en émerveillant le spectateur qui se laisse prendre au jeu avec facilité.

Relire ici l’épisode précédent.


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