L’homme chez Apatow est souvent un déclassé marrant, son incapacité à vivre dans le monde des adultes assure la sympathie du spectateur (masculin?) et ses efforts pour se mettre au niveau de l’exigence féminine donnent lieu à de grands moments comiques. N’en déplaise à Leslie Mann (femme de Judd à la ville), les personnages féminins sont principalement des emmerdeuses, et qu’elles en aient dans le « caleçon » ne les rend pas aimables, même si Apatow sous-entend toujours que vivre à leurs côtés est un mal nécessaire pour grandir.
Dans ce quatrième long métrage, le face-à-face ne tient plus. L’affiche du film le dit elle-même très bien : en amorce Debbie (Leslie Mann) se brosse les dents face à son miroir, et dans le fond, son mari Pete (Paul Rudd) est aux toilettes. Enfermé dans le même reflet, les époux se regardent, suspicieux, et leur « occupation » respective donne lieu à toutes les remontrances. 40 ans, mode d’emploi est une comédie domestique qui ne voit pas plus loin que ses préoccupations ménagères, régressives parfois, infantiles toujours, mais la dynamique de confrontation qui faisaient le sel du cinéma d’Apatow a disparu. Pete n’a rien à offrir comme résistance au personnage féminin, aucune vie alternative, il ne lui reste qu’à subir l’assaillant.
Comme la dernière heure de Funny People le laissait envisager, daddy Apatow s’est enfermé dans un système comique, paradoxalement parce qu’il semble être « arrivé » : les questions du devenir, de la recherche d’une identité – de garçon sexué (Supergrave, 2007 ; 40 ans toujours puceau), de père (En cloque, mode d’emploi), ou d’artiste (Funny People) – sont résolues, ne reste que la représentation d’une famille, jouée clef en main par sa femme et ses propres filles. Pete serait donc en creux, et sans inventivité aucune, Judd Apatow, ce quadra en panne d’inspiration professionnelle !
Chris O’Dowd, Paul Rudd et Lena Dunham
Mais le plus gênant est le sort réservé à Leslie Mann et sa voix de crécelle. Bobonne insupportable, elle traque son époux jusqu’au fond des toilettes, râle et méprise, juge et ordonne. Il faut bien sûr y lire sa fragilité à passer le cap de l’âge mûr et son besoin d’être rassurée sur son pouvoir de séduction (dans une horrible scène de boîte de nuit !). Plus que les controverses sur l’avortement dans En cloque, il y a là une insistance assez rance de ce que dit ce personnage depuis déjà trois films : quand l’humour et la mélancolie sont le propre de l’homme, la responsabilité de la famille est une affaire de femme et pour le bien de tous, il faut se soumettre à cette loi. Les comédies d’Apatow et ses spectatrices ne sont pas prêtes de s’en remettre.
À lire : Comédie, mode d’emploi : Judd Apatow, Story of a Funny Guy autour du livre d’entretiens mené par Emmanuel Burdeau.