Zardoz est un conte philosophique et une vision pessimiste de l’avenir de l’humanité. Boorman met en place une communauté d’intellectuels immortels qui utilisent leur savoir afin d’asservir les hommes qui se trouvent hors du mur invisible entourant le Vortex. Cette société « éclairée » maîtrise le vieillissement et communique via « Le Tabernacle », sorte de Cristal qui songe (Theodore Sturgeon, 1950), cher aux auteurs de science-fiction. Dans cette société utopiste où l’amour et les rapports charnels n’existent plus, l’ennui et le désœuvrement rythment les longues journées de ses habitants.
L’intrusion de Zed dans cet univers en tant que représentant de la bestialité, de l’ignorance supposée et de la sexualité la plus primaire va être l’accélérateur du dérèglement de la communauté. Dans un habile flashback, au milieu du film, nous prenons conscience avec Zed de la vraie nature du Dieu Zardoz. Entraîné dans une bibliothèque abandonnée depuis l’écroulement de notre société industrielle, Zed y découvre le livre « (Wi)zard of Oz », classique anglo-saxon de la littérature enfantine de J. Frank Baum. L’histoire d’un vieil homme qui répand la terreur, le visage caché sous un masque, avant qu’un jour les habitants du village ne regardent derrière le masque et ne découvrent la vérité. Aller « over the Rainbow », devient le but de Zed qui réalise l’étendue du mensonge condamnant son univers au chaos. Pour lui, pénétrer dans le Vortex doit le conduire à un acte de libération par la destruction des Immortels. Pourtant Zed est allé trop loin dans sa quête de savoir et de connaissance, il n’est plus un exterminateur. Tandis que ses frères d’armes envahissent le Vortex et massacrent les Eternels, Zed se refuse à faire de même. A l’instar de Bertold Brecht pour qui la violence était l’intelligence des imbéciles, Zed ne veut plus vivre dans un monde de désolation et de destruction barbare. Il s’enfuit avec Consuella (Charlotte Rampling), l’idéaliste qui avait souhaité dans un premier temps sa mort.
Ainsi Zardoz peut et doit se lire comme une dénonciation de la religion. Il n’y a pas de Dieu. Il n’existe que dans le livre et nulle part ailleurs. De ce conte de fées, les hommes en ont tiré des lois, des préceptes, des morales dans l’unique but de justifier et d’asseoir le pouvoir d’une classe dominante. Dans cette optique, le film condamne tout pouvoir religieux et nous rappelle que l’homme est clairement responsable de l’univers dans lequel il vit. Zed et Consuella finissent leur vie après avoir donné naissance à un enfant. L’immortalité s’incarnant dans la descendance et la transmission du savoir, il ne reste plus à nos personnages dans une série de fondus enchaînés qu’à vieillir et à mourir. Puis le temps ayant fait son œuvre, leurs ossements se réduisent en poussière jusqu’à ce qu’il ne reste plus sur le mur de la caverne qu’un révolver couvert de rouille et l’empreinte d’une main.
Si après la révélation de l’origine de Zardoz, le film a du mal à redémarrer, il n’en reste pas moins passionnant. Il est évident que le film souffre d’un manque de moyens financiers et certains éléments visuels du Vortex nous paraissent aujourd’hui quelque peu kitsch. Il faut toutefois louer l’admirable et complexe travail photographique de Geoffrey Unsworth (2001: L’Odyssée de l’espace). Œuvre charnière dans la carrière de John Boorman, née de la frustration de ne pouvoir tourner Le Seigneur de anneaux, Zardoz préfigure l’épopée arthurienne d’Excalibur.