Wallabout

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Entre underground et film social, « Wallabout » se perd un peu dans les rues de Brooklyn et les états d’âme de son héroïne.

Ce film indé américain dresse un portrait quelquefois tendre, souvent sévère, d’une jeune fille malchanceuse, pour tenter d’apporter une réponse à la manière dont les autres la perçoivent. Le réalisateur, Eric McGinty, dont c’est le premier long métrage, a travaillé à Paris en tant qu’acteur et régisseur au théâtre. Il a grandi à Paris et à Washington après des études à la Sorbonne et à l’Université de Pennsylvanie. Tourné avec trois bouts de ficelle dans des décors naturels ou des appartements d’amis, Wallabout lorgne certes vers le cinéma underground des belles années 70, sans aller aussi loin dans la provocation. « Alex est un personnage qui a un passé, déclare Eric McGinty dans le dossier de presse. Elle a vécu en France avec quelqu’un de "réputé", elle a eu un certain succès quand elle était plus jeune et, au cours du film, on apprend qu’elle a subi de nombreuses épreuves dans sa vie. C’est un être déchu qui s’efforce de sortir d’un "trou". » On pourrait ajouter que son film n’a pas non plus la même capacité poétique que le film de Noah Baumbach, Frances Ha (2013), dans ses beaux noir et blanc et sa mélancolie diffuse. Et surtout la protagoniste, Greta Gerwig, apporte au film toute la grâce nécessaire. On ne peut pas en dire autant de Ivy Elrod qui, ici, interprète le rôle principal d’Alex Loden dont on a beaucoup de mal à percevoir la véritable personnalité. Dans un genre moins destroy, elle pourrait la jeune sœur d’Anna Thomson de Sue perdue dans Manhattan (Amos Kollek 1998), avec qui Eric McGinty a travaillé. C’est sans doute voulu, mais cela gêne un peu l’identification nécessaire du spectateur à cette histoire, à la fois linéaire et tarabiscotée.

Alex revient à New York pour se faire larguer par un homme rencontré dans une boîte, perdre son logement et son emploi. Ça fait beaucoup pour une seule femme, même si on ne sent pas tellement d’accablement dans son attitude, surtout qu’elle est aussi persécutée par la deuxième épouse de son père devenu impotent. Le réalisateur explique son choix de la sorte : « [Alex] est une femme dans la trentaine qui vient de retourner à New York après avoir passé dix ans en France où elle était la maîtresse et la muse d’un célèbre cinéaste. Quand Alex avait quitté New York dix ans auparavant, elle venait de réaliser un documentaire personnel sur la mort de son demi-frère. Son film avait gagné des prix dans divers festivals. Quand on la retrouve à Brooklyn au début de Wallabout, Alex a du mal à se réintégrer dans le milieu artistique où elle s’épanouissait avant de partir de New York. Et des éléments de son passé surgissent qui s’avèrent douteux incitant beaucoup de ses anciens amis et membres de sa famille à refuser leur soutien. »

Alex – diminutif d’Alexandra – vit un peu de ses atouts passés, dont ce mystérieux documentaire dont tout le monde parle, et de ses relations tumultueuses avec un cinéaste français (on se demande qui a bien pu servir de modèle !). Le film propose donc un portrait en demi-teinte d’une femme moderne, partagée entre deux mondes, deux appartenances sociales, puisqu’elle est eurasienne et tiraillée entre le monde artistique et celui des convenances que voudrait lui imposer sa belle-mère, notamment dans une scène de promenade en forêt. Wallabout est un quartier de Brooklyn où Alex aime bien se promener et emmener ses amoureux. Il est important car significatif de son état d’esprit, non pas seulement parce qu’elle est un peu à l’ouest, mais parce que ce quartier à la fois industriel et oublié possède un caractère historique non négligeable. « Au XIXe siècle, déclare Eric McGinty, Brooklyn était aussi l’endroit où vivait le célèbre poète américain Walt Whitman. Et dans son chef-d’œuvre Feuilles d’Herbe (Leaves of Grass), Whitman a écrit un poème sur les martyrs de Wallabout (The Wallabout Martyrs). » Alex, elle aussi, est une martyr de la société moderne américaine, qui rêve de partir travailler dans le cinéma au Canada.

Titre original : Wallabout

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Durée : 102 mn


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