Voltiges

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Un western moderne sur deux adolescentes et leurs relations nébuleuses avec, en toile de fond, un centre équestre. La forme est soignée mais le fond peine à décoller.

Emma et Sara vivent toutes les deux avec leur père célibataire. La première, adolescente, est inscrite à un concours de voltige équestre. Emma croise sur son chemin, une rivale, Cassandra. Mais les rapports que toutes deux entretiennent sont troubles. Pendant ce temps, le désir fait surface dans l’existence de la petite Sara, attirée par son cousin et baby-sitter Sebastian.

Jeunes filles en fleurs, jeunes filles en compétition

Lisa Aschan a déjà été repérée pour son premier long métrage (aux festivals de Berlin, Göteborg et Tribeca). Dans Voltiges, la réalisatrice fait évoluer ses personnages dans le milieu équestre. On ne peut s’empêcher de faire un rapprochement avec Céline Sciamma et son premier film. Naissance des Pieuvres se déroulait dans un décor aquatique, un monde déserté par les grands, à peu près semblable à Voltiges où seul le père incarne une figure adulte. La maîtrise des gestes corporels est convoquée chez les deux femmes. Des relations ambiguës, bâties autour de la rivalité, complicité, séduction, jalousie et emprise planent dans leurs longs métrages. Dans le film suédois, le dressage s’applique au chien, aux chevaux mais l’humain est aussi enclin à dresser son semblable. 

 

 
Domination et soumission sont au coeur des relations des ados qui vivent dans un univers où les rires complices camouflent des coups et blessures. Les plans font écho au titre international du film de Lisa Aschan, She monkeys. En effet, ces derniers présentent des symétries, reflets de la complexité des liens des deux ados. Tantôt, ils traduisent une proximité, tantôt, ils se font l’écho d’une joute aux allures d’un western moderne, baignant dans des couleurs sombres. Le duel et les chevaux sont là nous rappeler le genre cinématographique mais parfois, la réalisatrice tombe dans la simplicité avec son plan de botte de foin, roulant au gré du vent. Les idées ne manquent pas même si, parfois, elles semblent n’être qu’amorcées.
 
L’esthétique est incontestablement soignée, cependant le fond affiche des faiblesses. Certaines répliques, très minimalistes, sont d’une efficacité redoutable, notamment celle d’Emma, allongée sur un lit. La jeune fille lance tranquillement à la figure de Cassandra des propos semblables à un coup de griffe. Mais de telles répliques restent trop rares. Lisa Aschan filme les tranches de vie d’ados en compétition, autour d’un rapport où la rivalité n’est jamais loin de la séduction. Néanmoins, il manque cette intensité qui caractérisait Naissance des pieuvres et Je te mangerais (Sophie Laloy), en dépit de la qualité de jeu des jeunes actrices suédoises. Par ailleurs, Voltiges souffre d’un manque de rythme que la musique ne parvient pas toujours à pallier, à la grande différence de Je te mangerais, où les liens entre les deux personnages féminins étaient encerclés par la musique obsesionnelle de Robert Schumann.

 

Petite fille à la recherche de l’amour

L’histoire principale est vacillante. En revanche, l’intrigue secondaire, qui met en scène l’éveil au désir et à la sexualité de Sara, retient toute l’attention. La petite fille à la chevelure bien disciplinée et aux traits poupins rêve d’autre chose que les jeux traditionnels des bambins, tout en restant dans la sphère même de l’enfance et de sa découverte du désir. Sara cherche à plaire, au détour d’un tatouage pour gamin, d’un bikini léopard et d’une chorégraphie travaillée avec minutie. Elle apparaît telle une étrangère, débarquant avec sa valise de candeur dans un monde adulte, au sol rugueux et instable. Ses premiers émois, sa première peine de coeur et sa méconnaissance de la notion d’inceste sont filmés avec beaucoup de réalisme et de sensibilité. Dommage que les qualités de cette intrigue ne se propagent pas à l’ensemble de Voltiges.
 

Titre original : Apflickorna

Réalisateur :

Acteurs : ,

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Durée : 84 mn


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