Violent days

Article écrit par

Pour son premier long-métrage, Lucille Chaufour nous propose une incursion des moins banales et des plus ambitieuse.

Violent Days nous plonge dans un univers méconnu et, de ce fait, suscite d’ores et déjà curiosité et intérêt. Loin de Happy Days, c’est en France que se situe ce docu-fiction amer où nous suivons des fans de Rock’n roll, ouvriers la semaine, dans un road trip nous emmenant jusqu’au Havre, où a lieu un concert des Flyings Saucers.

Les personnages du film, entre réalité et fiction, n’ont pas d’espoirs, pas d’attentes particulières. No Future mais un univers ancré dans le passé, ses vieux tubes et ses vieilles mentalités. Ces hommes et femmes adoptent un look, une attitude en accord avec l’esprit rock version bananes et grosses pattes. Loin de l’usine, la musique et ses mythes deviennent libérateurs, mais aussi lieux clos emprunts de codes et de principes machistes. La femme n’est qu’un objet de décor, à l’image de Serena, blonde platine version Marilyn ou Jayne Mansfield, merveilleusement sensuelle mais soumise à « son » mâle. Image tragique d’une prisonnière, rêveuse le temps d’un instant, suffisant pour revenir à la réalité bien plus fade. À voir Serena errer comme un fantôme au milieu d’un stade de testostérone, nous n’avons qu’une idée en tête : qu’elle s’échappe.

La condition féminine, l’esthétique des fifties, la précarité, la solitude et le fantasme sont des thèmes chers à Lucille Chaufour, qu’elle avait déjà développés dans son court-métrage de fiction, L’amertume du chocolat . Ici, elle choisit une construction mettant en parallèle interviews et action fictive, sans que nous parvenions véritablement à démêler le vrai du faux. Nous nous perdons un instant, brisons l’espace temps pour nous retrouver 50 ans auparavant (même pas de téléphone portable !). Seuls quelques indices urbains et l’arrivée de la bande de jeunes nous rappellent la contemporanéité de l’action. De plus, comme pour insister sur ce passé très présent, Lucille Chaufour utilise un noir et blanc granuleux à souhait et soigne son esthétique.

Malgré quelques longueurs, comme si l’ennui des personnages devenait contagieux, de belles images restent ancrées dans notre esprit, comme sorties d’un film de Cassavettes, d’Antonioni ou de Lynch. Et même si le générique de fin un peu trop brouillon ne facilite pas la reconnaissance des personnes ayant œuvré pour la réalisation du film, le générique de début se trouve être un petit bijou visuel. Violent Days est donc un film à ne pas rater.

Titre original : Violent days

Réalisateur :

Acteurs : ,

Année :

Genre :

Durée : 104 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…