Une seconde mère

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Sans pathos, mais avec beaucoup d’humour, le film déploie un charme inattendu pour raconter la vie des pauvres lorsqu’ils s’arrangent avec les riches.

Présenté au dernier festival du cinéma brésilien à Paris, et couvert de prix, dont ceux des festivals de Sundance et de Berlin, ce quatrième long métrage d’une réalisatrice brésilienne de talent est très sympathique. Tout comme Casa Grande de Fellipe Barbosa, Une seconde mère propose un portrait doux amer de la bonne bourgeoisie brésilienne. Val, interprétée par la grande actrice brésilienne Regina Casé, est placée depuis de longues années dans une famille très aisée de Sao Paulo, devenant en quelque sorte la deuxième maman du garçon unique de la famille, Fabinho, au détriment de sa propre fille, Jessica, laissée à la garde de son père. On ne saura jamais très bien quel est le métier exercé par la patronne, Barbara, interprétée par Karine Teles, mais on se doute que c’est l’un de ces métiers inutiles créés par les snobs autour du luxe et du style.

Le film est tendre et comique à la fois, mais la réalisatrice ne manque jamais sa cible lorsqu’elle veut toucher là où ça fait mal. Une scène parmi d’autres est à la fois cruelle, mais aussi très évocatrice du milieu bourgeois. Le jour de l’anniversaire de Barbara, Val – justement parce qu’elle sait qu’elle doit se mettre au mieux avec sa Barbara pour qu’elle accepte que sa fille, Jessica, vienne s’installer quelques jours chez eux -, lui offre un service à café noir et blanc. Barbara, le trouvant bien sûr de mauvais goût, le regarde à peine et refuse que Val s’en serve le jour où elle organise une grande réception. Lorsque Val donnera enfin sa démission pour aller vivre avec sa fille, elle emportera ce service tout heureuse de l’avoir « volé » à sa patronne.

De même, les relations entre Fabinho et Val sont présentées comme très tendres, et auraient pu passer pour incestueuses entre une mère et son fils. Elles font toutefois pendant avec la froideur et le non-dit qui règnent dans la famille bourgeoise où les échanges ne sont jamais que purement formels. Il en va de même entre Jessica et sa mère, qu’elle méprise parfois lorsqu’elle se montre supérieure sous prétexte qu’elle va commencer à faire des études d’architecture. Le scénario du film est d’ailleurs bien construit puisqu’il met toujours en parallèle les deux situations sans tomber dans la caricature. Si Jessica doit vivre avec un lourd secret, ce n’est pas pour autant qu’elle va être épargnée par la réalisatrice qui la montre souvent comme une pimbêche « qui se prend pour la présidente de la République », selon les propres termes de sa mère. De même, Fabinho tout en restant un gentil fils à papa un peu fainéant, petit garçon trop vite grandi, n’est pas particulièrement sympathique, sa veulerie lui faisant quelquefois de l’ombre, notamment dans ses rapports avec sa mère au moment de son accident de la route, ou tout simplement dans ses études qui ne sont pas des plus brillantes.

Malgré tout, la réalisatrice ne tombe dans aucun écueil et ne nous livre pas un film misérabiliste ou sentimentaliste. Elle sait se tenir à la lisière de tout pathos et n’oublie pas son humour : l’un des rebondissements du scénario auquel on s’attendait le plus est traité de manière si inattendue qu’il fait tout le sel d’un film que la critique saura sans doute juger à l’aune de l’humour, qui est la politesse du désespoir on le sait bien ; et de l’ambiguïté, qui pimente nos pauvres existences privées de rêve et d’amour.
 

Titre original : Val

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Durée : 112 mn


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