Un Enfant attend

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Un des tous premiers films de Cassavetes en DVD BLU/RAY chez BQHL. Une réédition précieuse à plus d’un titre.

Jean Hansen (Judy Garland), qui cherche à donner du sens à son existence, intègre, en tant qu’enseignante,  une clinique pour enfants trisomiques et autistes. Sanctionné par un échec commercial lors de sa sortie en 1963, rejeté par Cassavetes qui n’a pas eu la main sur le montage de cette œuvre de commande, Un enfant attend, à l’instar de ses personnages désœuvrés,  semble destiné à rester à l’écart des regards. L’écart, ou plus précisément l’impossible rapprochement entre les êtres constitue la pierre angulaire du film. La scène d’ouverture, construite comme une impressionnante scène d’affrontement de polar ou de western scelle le sort de chacune des figures. À l’intérieur d’une voiture dont la portière est grande ouverte, le petit Reuben Widdicombe (Bruce Ritchey) oppose sa seule inertie à l’appel du docteur Clark (Burt Lancaster) et de son assistante pour rejoindre leur clinique. Ted, le père de l’enfant s’est réfugié à l’écart des regards, dans ce qui s’apparente à un hors-champ total. Alternance de prises de vue en grand angle et de gros plans sur des visages inquiets et inquiétants, le cadre n’arrivera jamais à offrir un durable instant de convergence. Quand Clark arrive à prendre l’enfant l’enfant par la main, ce dernier, qui comprend rapidement le piège dans lequel il s’engage, se met à hurler comme si on projetait de l’assassiner. Jean Hansen qui croit aux vertus thérapeutiques de l’empathie va s’affranchir des barrières « réglementaires » imposées par Clark. Noyée par une courte focale, dans un cadre submergé par une horde d’enfant hors-contrôle au début du film, et par des patients adultes à la fin du film, la nouvelle venue arrivera au même constat d’impuissance. Obstinée, elle couvre Reuben d’un amour maternel, mais las, lors de chaque moment de partage une intervention extérieure viendra briser l’intimité.

Dans les scènes de tension, et elles sont nombreuses, le « Naturalisme » de Cassavetes s’exprime avec autant de force que dans ses œuvres références que peuvent être entre autres  Faces (1968), et  Husband (1971). Un style qui transcende le réalisme de sa dimension documentaire par une aridité et une frontalité qui poncent les blessures jusqu’à l’os. Que ce soit les protagonistes à la vocation bienveillante (le personnel médical), ou les parents « égoïstes », ni aucun parti pris ni aucun jugement moral ne viennent les surplomber. Les personnages de Clark et de Reuben  offrent un écho saisissant au tempérament révolté indépendant du réalisateur. Comme Cassavetes qui rejettera le dictat conformiste des studios hollywoodiens, Clark refuse de voir son métier évaluer à l’aune  d’arguments financiers ou de tout autre critère de nature quantitative. En mettant en avant l’intelligence d’une mère de couleur, Il dénonce  les préjugés racistes des « élites » du pays. Dans la sensibilité de Reuben se dévoile l’égotisme d’un réalisateur qui aura besoin de vivre des relations fusionnelles pour exprimer son art. Un enfant attend marque les débuts de la longue collaboration avec sa compagne de toujours Gena Rowlands. Qui, après tout cela,  peut encore réellement  prétendre qu’ Enfant attend ne révèle pas une partie substantielle de l’ADN de son metteur en scène ?

Film de studio, le classicisme hollywoodien se retrouve dans l’emphase mélodramatique de certaines séquences et notamment dans le recours à des flashback explicatifs.  Ainsi que dans certains utilisations appuyées de la partition musicale. Présence obligatoire de deux stars au générique. Un Burt Lancaster qui ne se déparait pas des atours virils de sa persona : cynique, tempétueux mais juste. Tout en faisant cependant preuve d’une grande sobriété de jeu. Plus étonnant au prime abord, le parachutage de Judy Garland dans un univers aussi sobre et sombre. Mais la fragilité de son personnage s’exprime avec une sincérité aussi forte que celle des non-professionnels qui incarnent les patients. Véritablement immergée dans un milieu inconnu, l’actrice semble submergée par une émotion qui dépasse son simple rôle. Comme si  le destin de ces enfants qui ont peu d’emprise sur le cours de leur vie raisonnait avec son propre parcours. Celui d’une star qui n’a pas eu le loisir d’être une enfant, ni le bonheur d’être tout simplement protégée. Par ailleurs, le titre est enrichi d’une analyse très intéressante de Murielle Joudet. Merci à BQHL pour nous permettre une telle découverte.

Disponible en DVD BLU/RAY chez BQHL

 

Titre original : A Child is Waiting

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Durée : 102 mn


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