Un coeur simple

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« Je veux apitoyer, faire pleurer les âmes sensibles, en étant moi-même. » Gustave Flaubert

L’histoire d’ « Un cœur simple » est tout bonnement le récit d’une vie obscure, celle d’une pauvre fille de campagne dévote mais mystique, dévouée sans exaltation et tendre comme du pain frais. Elle aime successivement un homme, les enfants de sa maîtresse, un neveu, un vieillard qu’elle soigne, puis son perroquet ; quand le perroquet est mort, elle le fait empailler et, en mourant à son tour, elle confond le perroquet avec le Saint-Esprit. Cela n’est nullement ironique comme vous le supposez, mais au contraire très sérieux et très triste. Je veux apitoyer, faire pleurer les âmes sensibles, en étant moi-même. Gustave Flaubert.

Pour son premier long-métrage, Marion Laine s’attaque à la difficile prouesse de l’adaptation littéraire. Ses références cinématographiques, picturales et littéraires sont louables, le ton est (presque) toujours juste, l’image est particulièrement soignée et l’interprétation appréciable. Pourquoi alors, lorsque la lumière se rallume, ces louanges laissent place à un sentiment mitigé ? Pour répondre, il semble intéressant de se pencher sur les influences et les intentions de réalisation de Marion Laine, non pas pour critiquer son travail, mais pour tenter de comprendre la difficulté d’adapter une œuvre aussi marquée que celle de Flaubert.

La réalisatrice explique que « son adaptation s’efforce de s’affranchir du conte » préférant garder uniquement le lyrisme et la passion de l’œuvre de Flaubert, laissant de côté la « ligne directrice austère ». C’est peut-être bien là, la première erreur de Marion Laine: s’affranchir du conte certes, mais des intentions de l’auteur, non, sauf si le choix de l’adaptation est la liberté totale, et encore. Ce choix, si c’est un choix, entre liberté et fidélité, n’est pas très bien mené. Elle semble ne pas l’avoir voulu, mais le film reste toutefois très plombant, ce qui d’ailleurs n’est pas forcément un défaut.

Le résumé que fait Flaubert de son propre conte est significatif de l’écriture concise et elliptique de ce récit. En cela, il est considéré comme l’un des précurseurs du langage cinématographique. En tant que metteur en scène, Marion Laine l’a bien compris. Elle n’hésite pas à utiliser, elle aussi, l’ellipse. Mais ce procédé semble parfois lui échapper, notamment au début du film. En effet, les vingt premières minutes ne sont faites que de courtes séquences, s’attachant, comme dans le conte, à narrer ‘l’histoire d’amour’. Cette histoire reste superficielle (comme dans le récit certes), mais les ellipses sont artifices et les fondus enchaînés inutiles, d’autant plus qu’il est bien difficile de croire à Sandrine Bonnaire en jeune vierge effarouchée. Mais est on obligé de croire, au cinéma ?

Toutefois, le film s’affine quand la réalisatrice décide de mettre en avant la relation ambiguë des deux femmes, alors que Flaubert l’occultait presque entièrement. Les actrices peuvent alors prendre une dimension plus dense ; Sandrine Bonnaire, que ses adeptes apprécieront sûrement et Marina Foïs, qui parvient, malgré la noirceur et l’antipathie du personnage, à toujours donner le change par des touches cyniques et humoristiques, propres aussi à l’écriture de Flaubert. La liberté de l’adaptation semble alors plus assumée et donc plus intéressante. Assumées aussi, ses images, dont Marion Laine craignait qu’elles apparaissent comme des « tableaux vivants ». Il n’en est rien, le mystère émanent de ‘La jeune fille aux mouettes ‘ de Gustave Courbet se retrouve dans les cadres et les lumières du film.

Complexe donc, d’écrire un texte sur ce film, tout autant que le travail d’adaptation qu’il a du demander. Si le sentiment reste mitigé, ce n’est pas tant à cause de la réalisation de Marion Laine, mais d’une trop difficile comparaison avec l’oeuvre et le talent de Gustave Flaubert.

Titre original : Un coeur simple

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Durée : 105 mn


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