Thelma et Louise (Ridley Scott, 1991)

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Sans révolutionner le genre, Thelma et Louise tient son rang de road-movie culte par la mise en avant d’un sujet jusqu’ici peu représenté : le viol et l’engrenage vicieux de la culpabilisation systématique de ses victimes, à travers une pulsion de vie qui s’avérera paradoxalement fatale.

En 1991, un peu plus de vingt ans après les grandes traversées du Nouvel Hollywood, d’Easy Rider (Dennis Hopper, 1969) à La Balade sauvage (Terrence Malick, 1974) en passant par Bonnie & Clyde (Arthur Penn, 1967), sort sur les écrans Thelma et Louise, road-movie féministe réalisé par un Ridley Scott désireux de retrouver le devant de la scène après quelques échecs critiques et publics assez cuisants, comme Legend (1985) ou Traquée (1987). Le pitch est simple : Thelma Dickinson et Louise Sawyer, deux jeunes femmes middle class, décident de s’offrir un petit séjour loin des calvaires du quotidien, d’un travail rabaissant ou d’un mari macho et infantile. Tout tourne mal lorsque Thelma est agressée à la sortie d’un night-club d’autoroute : Louise tue l’agresseur après une ultime provocation. Elles décident de prendre la route, craignant que la justice ne soit pas de leur côté. C’est ce sentiment de délaissement dans une société misogyne où forcer, soumettre et culpabiliser la femme est devenu monnaie courante (tout particulièrement dans le contexte géographique du film) qui guide Thelma et Louise dans leur échappée. La fuite est ainsi motivée par la peur et l’absence de soutien réel et non pas par l’avidité et l’appât du gain (les gangsters Bonnie et Clyde dans le film éponyme), par le goût assez désintéressé du meurtre et de la violence (Kit et Holly dans La Balade sauvage) ou, dans un tout autre contexte, par la fuite d’une société idéalisée et consumériste post-Deuxième Guerre Mondiale (celle de Kerouac dans Sur la route, source d’inspiration de bon nombres de road-movies).
 


Thelma et Louise
raconte la route de ces deux femmes écrasées par la conception traditionnelle (consciente ou inconsciente) des deux sexes dans la société, rompant avec une décennie Reaganienne assez réactionnaire, placée sous le joug du cinéma testostérone de l’action-man (Delta Force, Cobra et autres Die Hard). Car si le film n’apporte pas, en soi, une révolution formelle ou esthétique, Thelma et Louise tient son importance culturelle par la mise en lumière qu’il apporte sur des non-dits et des tabous trop souvent exclus des écrans, et celui, tout particulièrement, de la culture nauséabonde du viol (même si le viol n’est pas pour la première fois le sujet d’une œuvre grand public, Jonathan Kaplan en faisant le sujet principal de son film, Les Accusés, en 1988). Thelma et Louise est donc profondément social et parvient, assez miraculeusement vu le destin tragique de ses deux héroïnes, à ne tomber ni dans le cynisme ni dans le misérabilisme d’une condition féminine pourtant assez mal embarquée. Car au-delà du constat implacable de l’impossibilité de liberté décrit ici (encerclées par la police, Thelma et Louise finissent par se jeter dans le Grand Canyon dans un final mémorable), Callie Khouri, la scénariste oscarisée à l’occasion, distille les contre-points moraux à la position d’infériorité imposée à la femme dans le film. C’est Harvey Keitel en enquêteur bienveillant ou Michael Madsen en petit ami tolérant qui désamorcent tout manichéisme malvenu et soulignent l’impuissance de certains hommes vis-à-vis de leurs pairs misogynes, ajoutant une dimension de plus à une oeuvre qui en disait déjà beaucoup.
 
 

 
Si le film est un succès total à sa sortie et devient immédiatement culte, c’est ce délai d’une vingtaine d’année entre les premiers road-movies libertaires et sanglants et Thelma et Louise qui place celui-ci dans une position particulière. Car la différence principale avec, entre autres, Bonnie & Clyde ou La Balade sauvage, réside dans le fait que ses deux personnages principaux ne choisissent pas la voie du sang et de la violence mais, au contraire, la subissent. Le postulat est en cela bien différent des road-movies emblématiques du Nouvel Hollywood. Alors que pour ces derniers, c’est l’ensemble de la jeunesse (voire de la société en général) qui éprouvait un profond besoin de libération, la volonté d’émancipation ne concerne ici que les femmes. Dans une optique visiblement progressiste, c’est une véritable revanche sociale qui s’opère dans Thelma et Louise, ces dernières exorcisant à l’écran la réponse tant attendue des femmes insoumises.

Titre original : Thelma and Louise

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Durée : 130 mn


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