The Celluloid Closet

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Un documentaire effrayant et important, ayant la particularité de présenter un Hollywood pas si « mignon » que cela.

Il existe une anecdote assez ridicule véhiculant de longs et conséquents clichés sur l’homosexualité. Un vendeur d’un magasin de produits culturels, à qui son supérieur hiérarchique avait demandé de créer une section « Films Gays & Lesbiens », répondit : « A ce moment-là, il faut y mettre tous les films de Marcel Carné ». Le chef de rayon, surpris, rétorqua : « Il était gay ? ». Quoi qu’il arrive, l’humain est constamment sur la défensive, arpentant la colline du doute et observant qui est qui et surtout qui fait quoi. The Celluloid Closet, remarquable docu réalisé en binôme par Robert Epstein & Jeffrey Friedman, présente toutes les contradictions, toutes les intolérances et autres mesquineries exercées sur l’étranger, sur cet Autre qui ne ressemble pas à la « normalité » ambiante dictée par un fascisme administratif.

Adapté d’un livre de Vito Russo (publié en 1981), The Celluloid Closet (le placard de celluloid) est une œuvre qui pourrait effrayer tant la bêtise évoquée y est conséquente. L’idée est simple : montrer en 100 minutes les méthodes radicales d’un Hollywood raciste, inculte et profondément hypocrite, qui employa les grand moyens pour dynamiter la vision réelle de l’homosexualité en la présentant sous des aspects grotesques et diffamants. Filmant en 1995, les deux cinéastes vont questionner plusieurs intervenants ayant de près ou de loin un rapport avec cette thématique qui continue de nos jours à éveiller une certaine rancœur vis-à-vis d’un mythe cinématographique. De Gore Vidal (scénariste non crédité sur Ben-Hur), à Armistead Maupin (journaliste et auteur de la série Les Chroniques de San Francisco), en passant par Tony Curtis (acteur qui joua l’une des travesties dans Certains l’aiment chaud ainsi que le servant de Laurence Olivier dans Spartacus), et Tom Hanks (interprète principal de Philadelphie), tous sont unanimes en reconnaissant l’ignominie de cette censure, qui dénatura et déréalisa bon nombres de créations cinématographiques.

 
     
Dans ce genre de docu, les anecdotes fleurissent de part en part, présentant des séquences ahurissantes. L’une des plus croustillantes est celle narrée par Vidal durant le tournage de Ben-Hur. Selon lui, ce personnage était gay et devait avoir eu une relation sexuelle avec son ami, le romain Messala. Afin de présenter cette particularité, Vidal imagine une scène de retrouvailles intenses où Stephen Boyd dévisage amoureusement son ami Ben-Hur, campé par Charlton Heston. Vidal avoue que Boyd avait été mis au parfum, tandis que Heston ne s’était jamais douté de cette homosexualité assez subtile.

The Celluloid Closet est une réussite car les deux auteurs refusent de verser dans le sentimentalisme ou dans l’attaque bestiale. En adoptant un point de vue plutôt sobre, Epstein & Friedman placent l’Histoire au premier rang de cette aventure. Selon eux, le contexte social et historique est d’une importance capitale, car si les gays furent représentés comme des imbéciles, des lâches ou bien des anormaux qu’il ne faut en aucun cas fréquenter, c’est parce que la société de l’époque l’entendait ainsi. Au sein d’Hollywood, l’hypocrisie était malheureusement omniprésente, tant les producteurs s’accordaient à ne pas discuter les lois étatiques. Au lieu de contrer ces lois, ils préféraient « différencier » les homosexuels en les placardant dans une sphère où tous les clichés régnaient en maitre. Tout comme avec la représentation du Noir, Hollywood refusa d’intégrer dans son cercle d’initiés ces « gens-là », qui buvaient leur thé, le p’tit doigt en l’air.

Il serait impossible aujourd’hui de réaliser une œuvre telle que La Rumeur de William Wyler, où une lesbienne pardonnait à son amie d’avoir eu des pensées diaboliques. Impensable car trop loin de la libéralisation des mœurs. En une trentaine d’années, Hollywood s’est libéré de ses dinosaures et s’est amusé à ouvrir les fenêtres de son domicile pour s’imprégner de l’air du temps. Au tour des américains « d’origine étrangère »… non ?


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