Terminator : Terminus ?

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La sortie de Terminator : Salvation est l´occasion de revenir sur la saga initiée en 1984 par James Cameron et de suivre les évolutions thématiques d´une franchise vieille de 25 ans. Que nous disent aujourd´hui les quatre films et la série consacrés au robot tueur venant du futur ?

The Terminator de James Cameron (1984)

C’est incroyable, mais 25 ans après, ça marche encore ! Des premières notes d’un générique maintenant mythique aux phrases clefs (« Follow me if you want to live », « I’ll be back », « There’s a storm coming in », « Sarah Connor ? »), certains éléments du film de 1984 continuent à nous poursuivre avec autant d’acharnement qu’un T-101 voulant nous éliminer. Le film a pourtant tout d’une série B, avec sa thématique de Science-Fiction usant des paradoxes temporels (un homme venant du futur doit protéger la future mère du sauveur de l’humanité, poursuivie par un robot tueur), et d’une  grande sécheresse dans sa mise en scène (sans temps mort, le film ne perd pas de temps et expose par exemple son intrigue au milieu des explosions). Le soin méticuleux de Cameron à gérer chaque détail tranche tout de même avec le tout venant des films d’actions des années 80, et plusieurs autres éléments aident aussi ce film à traverser le temps au point d’en faire le meilleur de la série. La vision pessimiste d’un Los Angeles déjà presque apocalyptique au présent, remplie de Punks, de clochards et de détritus, ajoute au pessimisme du film une touche de réalisme fascinant inscrivant le film dans son époque. À cette aridité et cette désolation, Cameron associe une histoire d’amour impossible qui touche encore par le contraste sentimental qu’elle apporte au monde décrit. Mais surtout, la réussite de Terminator vient avant tout de son « Vilain ». Alors certes, le concept est emprunté au Mondwest de Michael Chrichton, dans lequel Yul Brynner, en invincible robot tueur, exterminait en 1973 les malheureux touristes d’un parc d’attraction, mais il est indéniable que Schwarzenegger, en terrifiante machine implacable semant la mort sur son passage, dépasse dans l’imaginaire collectif la performance de Brynner, tout en trouvant là son rôle le plus charismatique.

 

 

Terminator II, Judgement Day de James Cameron (1991)

Rares sont les suites qui peuvent s’enorgueillir d’avoir une aura plus favorable que l’original. Terminator II peut être fier de faire partie de ce cercle très fermé, qui compte parmi ses membres des profils aussi différents que Le Parain II ou Retour vers le futur 2. Plusieurs éléments expliquent cette popularité. Tout d’abord, TII est une version améliorée du premier film : l’histoire est la même, mais hypertrophiée. La série B de luxe s’est transformée en Blockbuster géant, et Cameron s’amuse à refaire en mieux les scènes que le budget serré de la première version lui interdisait : batailles high tech dans le futur, scènes de destructions massives, apocalypse nucléaire, etc. La machine attaque un commissariat et tue 17 policiers dans le premier film ? C’est maintenant « toute la police de L.A. », comme le dit John Connor, qui débarque pour l’arrêter. Ce caractère paroxysmique du film ne va pas sans une certaine forme d’aseptisation : exit la saleté maussade du premier film, bienvenue aux couleurs métalliques mais propres des années 90. La méga star Schwarzenneger endosse pareillement l’armature du T-101, mais il n’est plus question pour lui d’incarner un menaçant tueur : le voilà transformé en gentil robot qui apprend la valeur de la vie à travers le regard filial que pose sur lui un adolescent. Le caractère mélodramatique du film se déplace en effet d’une histoire d’amour impossible à la thématique de la filiation, quand la machine devient le père de substitution idéal pour un John Connor déraciné. Associé à la beauté balbutiante des effets spéciaux (on se souviendra longtemps de l’explosion  en miettes du T-1000 – préfigurant la mort des joueurs dans Avalon de Oshii – ou sa fonte finale), et l’excellence magnifique d’Edward Furlong en John Connor, cette tentative d’humanisation du statut de l’androïde fait que ce film se revoit encore avec une certaine sympathie mais, quoiqu’en disent les fans, ne parvient pas à égaler l’efficacité et l’originalité du premier opus.

 

 

Terminator 3, The Rise of the machines de Jonathan Mostow (2003)

Film mal aimé, Terminator 3, s’il présente d’évidents défauts (manque de charisme du nouveau John Connor ; scènes d’action trop présentes et poussives ; abandon de la noirceur de la série, y compris dans l’apocalypse nucléaire final, qui ne montre ni sang, ni morts ; alors qu’une sorte de fatalité et de croyance au destin remplace la célèbre sentence de Cameron : « No fate, but what we make ») se voit tout de même avec complaisance grâce à la cohérence du métrage par rapport aux précédents et à son inscription dans le cinéma d’action des années 2000. Le film se présente comme un second remake du premier, racontant de nouveau la même histoire : c’est ici un T-X qui veut tuer John Connor et Kate Brewster, protégés par le T-101. Mais le film se concentre maintenant sur la manière de montrer une mythologie récente, avec ses personnages immédiatement identifiables – il s’agit du dernier rôle de Schwarzenegger, qui semble beaucoup s’amuser à reprendre les expressions qui l’ont rendu célèbre – et une histoire connue – puisqu’on a déjà vu à deux reprises ce « Jugement Dernier ». Cette thématique inscrit T3 dans la lignée des films de super-héros du début des années 2000 : comme dans Spiderman ou Incassable, il s’agit pour un personnage de s’accepter comme porteur des rêves que ses proches mettent en lui. Le film insiste sur les doutes de Connor : suis-je vraiment ce héros que le T-101 (le père) et Sarah Connor (la mère) décèlent en moi ? Pourquoi dois-je survivre si je ne peux pas être ce que je serai ? Etc. Ce changement de perspective modifie aussi la façon de filmer l’action et change la tonalité de la série. On se rappelle dans les deux premiers films la tension que créait chaque apparition du T-101 puis du T-1000, alors que les enjeux de T3, centrés sur Connor, sont plus intériorisés. Les scènes d’action se font ludiques, et l’humour y occupe une place importante. Les combats des deux Terminators s’apparentent à ceux de deux enfant détruisant leurs jouets – la ville, les voitures, les bâtiments – dans une folie destructrice puérile. Et si The Terminator opposait l’homme et la machine et TII le solide (le T-101) et le liquide (le T-1000), la dialectique du troisième film se décline entre le masculin et le féminin, opposition qui culmine dans une amusante scène de catch dans des toilettes ou les deux robots se battent à coups de pissotières arrachées et s’agrippent à l’entre-jambe (!). Sans être entièrement réussi, le résultat se juge grâce à ces éléments comme un produit moyen du début des années 2000, et une amusante tentative de continuation du travail de Cameron, alors que celui-ci a quitté le navire depuis plus de dix ans.

 

 

Terminator : The Sarah Connors Chronicles série crée par Josh Friedman (2008)

Entre le semi-échec de Terminator 3, la reconversion de Schwarzenegger en gouvernator, et les premiers échos catastrophiques (la presse américaine a trouvé la série trop compliquée – sic), il n’y avait a priori pas grand-chose à attendre de The Sarah Connor Chronicles. Et pourtant, on ressent dès le premier épisode un plaisir certain à suivre les aventures de ces personnages connus. Oubliant les événements du 3, le show commence quatre ans après le second film de Cameron et raconte l’adolescence tourmentée d’un John Connor sans cesse sur la brèche et toujours poursuivi par diverses machines. Le tout est vu du point de vue de sa mère, Sarah Connor, qui s’efforce de protéger son fils tout en mimant un semblant de normalité (on assiste ainsi par exemple à quelques scènes assez cocasses dans lesquelles Connor et son cyborg de garde du corps se retrouvent au lycée). Si l’action ne manque pas, la série permet de se concentrer sur les personnages et de tisser plusieurs lignes narratives intéressantes explorant en profondeur les thématiques de la saga. Et force est de constater que The Sarah Connor Chronicles bat sur tous les plans T3. On y retrouve ainsi avec plaisir le John Connor de TII, débrouillard et crédible dans son rôle de futur leader de la résistance, alors que le loser du 3 ne devient ce qu’il doit être que par un deus ex machina un peu embarrassant. On assiste ici véritablement à la genèse d’un héros. La thématique de l’humanisation de la machine est aussi intelligemment traitée, que ce soit avec la relation ambiguë entre Connor et la séduisante machine Cameron, ou avec quelques scènes d’une belle poésie (on pense notamment à celle où le robot essaie d’apprendre la danse classique). L’absence de Schwarzenegger est oubliée grâce à quelques personnages secondaires marquants (le méchant Cromartie est aussi une belle invention de la saga), alors que le manque de moyen pour les scènes d’action est compensé par une magnifique inventivité : on se rappellera longtemps du massacre  par un Terminator, dans un motel, d’une équipe du FBI, sur fond de Johnny Cash. Un premier agent tombe dans la piscine, la camera le suit et reste au fond de l’eau alors que le bassin se remplit de dizaines de corps. La série s’inscrit enfin dans la plus belle modernité télévisuelle, en usant des paradoxes temporels, rappelant aussi par là que ce n’est pas Lost qui a inventé les Flash-backs étant en fait des Flash-forwards, mais bien le premier Terminator. On regrette seulement que la Fox, à cause de la faible audience de la série, n’ait pas donné le feu vert à une troisième saison, et qu’il faille se contenter de deux petites saisons, de neuf et vingt-deux épisodes.

 

 

Terminator : Salvation de McG (2009)

La fin prophétique de Terminator 3 (« la bataille ne fait que commencer ») appelait forcément une suite futuriste aux aventures de la famille Connor. À l’époque, les producteurs voient grand : un quatrième volet toujours signé Mostow et une conclusion réalisée par James Cameron lui-même. Mais la réception du troisième film et le refus de Cameron, très clair sur le fait qu’il a dit tout ce qu’il avait à dire sur cet univers en deux films, changent complètement la donne. On repart donc finalement sur une nouvelle trilogie dont ce Salvation pose les bases. Le nom du clipper fou McG – dont la simple évocation des versions de Charlie’s Angels suffit à donner la migraine – aux commandes fait un peu peur, et on est à peine rassuré par la présence de l’excellent Christian Bale, quand on pénètre dans la salle. La mise en scène de McG se révèle au final assez classique, et rajoute même de l’intérêt à un film un peu fade. Singeant une esthétique de film de guerre dans un univers post-apocalyptique assez sympathique, le réalisateur fait preuve d’une réelle maîtrise de l’espace et des effets spéciaux dans les scènes d’action. Son inventivité culmine dans des plans-séquence suivant les personnages dans le feu de l’action et ne les lâchant pas. Sans atteindre l’excellence des Fils de l’homme, par exemple, ce principe de mise en scène ajoute en réalisme et en efficacité aux scènes de bataille. La première échappée de Connor en hélicoptère est ainsi assez saisissante de ce point de vue. On ne peut malheureusement pas en dire autant concernant le scénario, qui accumule les invraisemblances et les facilités, et qui est surtout déjà connu. On sait ainsi déjà comment Connor va rencontrer son père et la surprise est presque totalement absente du métrage. Presque, car le personnage de Marcus, si son histoire est aussi prévisible qu’un épisode de Goldorak, apporte au moins un peu de fraîcheur et de nouveauté à la franchise.

 

 

« There’s a storm coming in ! », annonçait Sarah Connor à la fin du premier film, mais le gros de l’orage était déjà passé. Seules une belle averse (T2) et quelques gouttes éparses (la série) devaient encore tomber après ce premier opus. À moins que la suite de cette nouvelle trilogie ne relève le niveau. Car n’oublions pas : « There is no fate but what we make »

Merci à Olivier Smach pour sa précieuse collaboration.

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