Snow Therapy commence par une séance photo dans un cadre de montagnes d’un blanc immaculé. Une famille presque idéale, un homme et une femme magnifiques, de la bonne bourgeoisie suédoise, passent avec leurs deux enfants cinq jours au ski dans un hôtel très chic des Alpes françaises. Le cadre est oppressant en fait, car nous ne sortirons jamais soit de l’hôtel en bois comme un immense cercueil, soit des pistes et de leur blancheur laiteuse. On sent qu’un drame pourrait bien survenir dans ce calme apparent. Pour le faire bien ressentir, Ruben Östlund prend tout son temps, ponctuant les nuits ouatées du bruit des canons à neige qui contribuent grandement à faire naître une sourde angoisse chez le spectateur, tout comme ces petites séquences burlesques telles que l’ovni téléguidé qui traverse le ciel pour finir par atterrir sur l’estomac d’un invité, ou l’employé de l’hôtel qui semble observer les clients depuis une position stratégique.
S’inspirant d’un fait divers que des amis avaient connu en Amérique latine lors d’une attaque de terroristes, le réalisateur reprend la situation en la transposant dans ce cadre idyllique. Le deuxième jour, les canons à neige provoquent une mini avalanche qui s’arrête aux pieds de la terrasse du restaurant où ses personnages déjeunent. N’écoutant que son courage, le père fuit en laissant femme et enfants. Après, au lieu d’en rire et de se moquer de lui-même et de sa trouille, il va s’enfoncer dans un déni qui portera peu à peu la famille vers la catastrophe. Bien sûr, avec ce titre ironique, on pourrait aussi se demander pourquoi il faudrait toujours, pour obéir aux psys, que les pères soient toujours des héros, sans doute par la faute de Victor Hugo, et pourquoi la couardise et la lâcheté, qui sont quand même des sentiments fort répandus chez le genre humain, ne pourraient être, non pas sanctifiées, mais légèrement admises dans le cadre des rapports humains, et notamment à l’intérieur d’une famille.
Servi par deux acteurs merveilleux, Johannes Kuhnke (Tomas) et Lisa Loven Kongsli (Ebba), le film montre encore une fois que les apparences doivent être brisées pour parvenir à l’essence même de l’âme humaine. Il aborde aussi le rôle du masculin dans les relations amoureuses et tente de montrer l’artifice qui régit les relations au sein de la bourgeoisie qui joue sans cesse avec le feu et les faux semblants. Ebba, en voulant briser le tabou du silence, va conduire peu à peu son couple à la dérive. Et c’est bien sûr ici d’un film catastrophe qu’il s’agit, et pas seulement parce qu’il met en scène une avalanche et qu’il présente la neige comme un linceul qui peut tout recouvrir et rendre opaques l’amour et ses illusions.