Si loin (Que tan Lejos)

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Un road-movie de facture classique, intelligent et drôle : errance et interrogation sur les multiples formes d’identité.

Sortie le 7 mai 2008
   

Peut-on renouveler le road-movie ? C’est la question que semble poser Si loin, la première réalisation de Tania Hermida. Délocalisée plus au sud mais toujours sur le continent Américain, la cinéaste n’a pas pour objectif d’être atypique ni de surprendre par une originalité abondante. Elle prouve en revanche sa maîtrise des classiques du genre et prolonge l’affirmation de l’identité américaine (et non étasunienne) par le road movie.

Deux femmes, non pas Thelma et Louise, mais Esperenza et Tristeza, sont jetées sur les routes de l’Equateur, aussi différentes que complémentaires, comme le révèlent leurs prénoms. Ces derniers indiquent aussi de façon flagrante leur terre d’origine, l’Espagne pour l’une et l’Equateur pour l’autre. Toutes deux sont en route pour Cuenca, qu’elles rejoindront par tous les moyens : moto, marche, chevaux, voiture, train… au gré de rencontres incongrues ou opportunes.

L’intérêt du film se situe dans la réflexion sur l’identité, explorée à différents degrés. Le discours sur la politique équatorienne s’éclipsant rapidement, l’objectif du métrage s’interroge sur un fond qui abolit toute l’appartenance culturelle ou fictive ou au contraire, tente d’en reconstruire une. Si loin fait fi des préjugés revendiquant l’identité uniquement étasunienne du road-movie. Certes, ce sont des cinéastes provenant des U.S.A qui ont embarqué dans leur périple des héros devenus mythiques, mais la réalisatrice équatorienne a trouvé la parade spatiale pour affirmer le lien culturel et historique à tout le continent américain.

L’Equateur devient l’espace de référence pour tout road-movie. Il condense les paysages de plaines riantes, d’espaces arides, les routes mythiques à bandes jaunes, les villages désertés ; accueille des rails abandonnés et des personnages pittoresques. Le plus marquant apparaît dans la neutralité et l’absence de nationalité que convoque le choix de ce pays. Latitude zéro, séparation du globe en deux hémisphères… Le territoire est parfait pour accueillir une errance, une quête. Les deux héroïnes déambulent dans ces paysages vierges, sans urbanisation ni population. Par les panoramiques, les héroïnes se dérobent des plaines, deviennent indépendantes, prisonnières et à la fois entièrement libres de leur route.

Face à ce langage imagé, la question de l’identité s’avère être plus concrète par la présentation orale de chaque personnage (déclinaison du nom, des activités, du lieu de naissance…). Paradoxalement, à l’inverse d’une limpidité sans équivoque, les personnages gardent leur mystère. Le questionnement n’est plus de l’ordre de la découverte des protagonistes et des raisons de leur venue mais de leurs réactions. Tristeza et Esperanza entrent dans une dynamique sans horizon précis, en harmonie avec le décor vide qu’elles parcourent et qu’elles devraient remplir. Riantes, chaleureuses, taquines, les protagonistes perdent tout enthousiasme et joie de vivre lorsqu’elles arrivent à destination : Cuenca. Ce brusque changement, contraire aux actions franches des séquences précédentes, interpelle. Mais ces détails, défauts à première vue, se transforment en signification éclairante. Les héroïnes préfèrent vivre dans un vide incertain, dont le sens et l’identité sont à édifier. Cette interrogation s’avère être malheureusement en deçà de l’attente espérée par la réussite formelle, le ton léger et drôle prenant le dessus.

Par le biais d’un choix territorial lucide ainsi que par les codes immuables, Tania Hermina ne dessine pas un nouveau genre mais s’inscrit dans la lignée du road-movie. Tout est précis, quelquefois maladroit  mais toujours intelligent et rigoureux. Dire que la réalisatrice bouleverse ou contourne le genre serait exagéré mais le film n’en reste pas moins plaisant et agréable

Titre original : Qué tan lejos

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Durée : 32 mn


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