En une seule scène, c’est tout Sex-shop qui se trouve résumé. Si le film veut traiter ouvertement de la sexualité, si le réalisateur filme bien des sex-toys, des seins et des fesses de femme, reste à savoir de quelle manière il les amène à l’écran et ce qu’il leur fait faire. Tout d’abord, une femme nue pour Claude Berri est forcément fine, belle et jeune – si ce n’est pas le cas, autant qu’elle garde ses vêtements et qu’elle pleure sur son sort pendant que son mari la trompe. Il est ainsi assez frappant de constater dans la scène du club d’échangisme que, quels que soient l’âge ou l’allure des messieurs, les femmes dans leurs bras ou à leurs pieds pourraient tout aussi bien être leurs filles. Mis à part Claude Berri qui se déshabille lui-même volontiers, la nudité dans Sex-shop est souvent celle des mêmes et entraîne le film vers le racolage. Quand une belle écrivain vient dédicacer et vendre son livre dans la boutique de Claude, elle le fait seins nus face à deux prostituées jalouses – de sa beauté et de son talent. Vendre son livre c’est se vendre soi-même semble nous dire Claude Berri, mais inviter une poitrine dans le cadre pour illustrer son discours a moins de l’amusant clin d’œil que de la malhonnêteté.
Voir autant de femmes nues dans un film populaire français du début des années 1970 est loin d’être chose habituelle, et ce que le cinéaste décidait de filmer allait bientôt se retrouver à la télévision. La nudité de Sex-shop est de celle qui peut faire vendre. Cette nudité-là, qui se veut révolutionnaire et libérée de tout, allait bientôt être filmée de la même manière pour vendre du gel douche, du parfum ou des voitures. Claude Berri regarde les femmes de Sex-shop se dévêtir, comme si leurs corps pouvaient donner un peu de substance à son film ; comme allaient commencer à le faire les publicitaires. Si les femmes de Sex-shop sont celles qui se font tromper et si elles trompent leur mari seulement avec son autorisation, si ce sont elles qui se prennent les gifles et qui pardonnent, l’usage qui est fait de leur corps est bien plus détestable encore que cette misogynie latente qui nourrit le récit. Pour Claude Berri – qui ici ne s’intéresse jamais vraiment à la sexualité de ses personnages, préférant la regarder de loin rigolard -, la révolution sexuelle dans Sex-shop n’a qu’un but : regarder les femmes tomber le haut. Qu’importe ce qu’on leur fait dire, le spectateur, absorbé par l’image, n’écoute pas. Il regarde et attend, prêt à consommer.