Sean Penn, profession : acteur engagé

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Jean-Paul Sartre écrivait (Situations, II) : << l´homme n´existe pas à la manière de l´arbre ou du caillou : il est engagé >>. Alors merci Monsieur Penn d´exister ainsi.

Il existe des acteurs qui étonnent par leur carrière et par leur engagement total pour des causes qu’ils considèrent justes. Sean Penn est de ceux-là. Dans un milieu cinématographique américain de plus en plus politisé, par véritable conscience ou par simple comportement moutonnier, Sean Penn apparaît comme un précurseur sachant jouer de son image et de sa renommée pour porter haut les principes qui lui tiennent à cœur. Car il n’est souvent question que de cœur lorsque l’on évoque M. Penn. Le personnage détonne, étonne, dérange.

Essayer de comprendre cette figure insaisissable, c’est se replonger dans un contexte familial propice au métier d’acteur et à la naissance d’une conscience politique affirmée. Son père Léo était à la fois acteur, réalisateur et scénariste. Durant le Maccarthysme, son refus de divulguer certains noms lui valut d’être mis au ban des plateaux ciné, qu’il quitta pour ceux de la télévision. Les origines de l’engagement de Sean Penn sont peut-être à chercher du côté de cette figure paternelle forte et exemplaire, décorée pour son courage lors de la Seconde Guerre Mondiale, tout autant que dans l’exigence d’une mère elle-même actrice, Eileen Ryan.

Un acteur de l’instinct

Sean Penn, avant d’être un acteur engagé, est avant tout un acteur instinctif animé d’une incommensurable soif de jeu. Sûrement l’un des plus grands acteurs américains de ces vingt dernières années. Une gueule inoubliable, un répertoire et un éventail de sentiments rarement égalés. On ne compte plus les récompenses et les nominations saluant sa carrière (deux nominations aux Oscars et la statuette du meilleur acteur pour son rôle de Jimmy Markun dans Mystic River, sans oublier la présidence du prochain Festival de Cannes). Et les superlatifs pleuvent lorsqu’il s’agit d’évoquer l’acteur : Woody Allen, Alejandro Gonzalez Iñarritu et bien d’autres n’ont de cesse de relever son professionnalisme et sa maestria à incarner des personnages sombres et torturés. Très attendue sera sa collaboration avec Gus Van Sant qui le dirigera cette année dans le rôle d’Harvey Milk, homme politique américain militant pour les droits civiques des homosexuels, assassiné à San Francisco en 1978.

Car comme dans la vie, l’acteur prend des risques, jouant des personnages taciturnes et coupés du monde, soit par obsession meurtrière (Samuel J. Bike dans Casualties of War, Matthew Poncelet dans Dead Man Walking, et l’inoubliable Jimmy Markum dans Mystic River), soit par addiction aux drogues (Eddie dans Hurlyburly ou Spicoli dans Fast Times at Ridgemont High), soit encore du fait de troubles physiques ou mentaux (Sam Dawson dans I Am Sam ou Eddie Quinn dans She’s So Lovely), soit enfin par obsession artistique (Emmet dans Sweet and Lowdown).

Un réalisateur reconnu

Ayant tourné pour les plus grands cinéastes parmi lesquels Brian de Palma, Nick Cassavetes, David Fincher, Woody Allen, ou Clint Eastwood, Sean Penn n’hésite pas à quitter le devant de la scène pour devenir réalisateur, ne craignant pas de mettre entre parenthèses une carrière d’acteur pourtant bien prolifique.

A la manière d’un Clint Eastwood, il trouve ainsi un moyen direct de partager sa vision du monde avec le public. Avec sa première réalisation en 1991, The Indian Runner, inspiré d’une chanson de Bruce Springsteen, Sean Penn travaille les liens fraternels jouant sur les symboles. Avec Crossing Guards en 1995, il met en scène un Jack Nicholson mû par un désir de vengeance à l’encontre du meurtrier de sa fille. En 2001, avec The Pledge, il rempile avec l’acteur mythique de Shining sur les traces d’une affaire policière non élucidée.

En 2007 dans Into the Wild, adapté du roman de John Krakauer, il embarque le spectateur dans un voyage initiatique au goût de liberté et au plus près de la nature, guidant Emile Hirsch dans les contrées hostiles du Nevada et de l’Alaska.

Un homme engagé

Sean Penn c’est aussi les frasques d’un jeune chien fou, marié en 1985 à la star montante Madonna, ne supportant pas de voir sa vie étalée dans les journaux à scandales. Ses accès de colère à l’encontre des paparazzis lui valurent notamment un bref séjour en prison. Sa relation de onze ans parfois chaotique mais souvent paisible avec l’actrice Robin Wright communiqua l’image d’un mari comblé et d’un père de famille présent.

Contrairement aux personnages isolés du monde qu’il se plaît à jouer, Sean Penn apparaît comme l’une des figures du cinéma américain les plus controversées, comme un acteur engagé ancré dans une réalité difficile. Si sa carrière exemplaire en tant qu’acteur et réalisateur emporte le consensus général, ses positionnements politiques et son engagement anti-Bush très marqué n’ont pas été sans susciter de nombreuses critiques. Sa lettre ouverte au Président à la suite de « l’invasion » de l’Irak par les troupes américaines publiée dans le Washington Post (pour laquelle il a déboursé pas moins de 56.000 dollars) fut l’un de ses premiers actes de sang significatifs.

« Citizen Penn », comme l’ont fort justement appelé certains journaux américains, interpellait le Président américain en ces termes : « Beaucoup de vos actions actuelles et futures semblent en parfaite violation des principes fondateurs du pays que vous présidez : l’intolérance du débat, la marginalisation des critiques, la promotion de la peur à travers une rhétorique fabriquée, la manipulation des medias et de l’information et la propension de votre administration à la destruction des libertés civiles contredisent l’idée même du patriotisme que vous invoquez ».

Accusé de non patriotisme en ces temps de crise de la démocratie américaine, l’acteur continua ses plaidoyers enflammés, ce qui en fit l’une des personnalités phares du mouvement anti-guerre. En 2003, il publia pour le New York Times un essai sous forme de pamphlet : La répression du débat public dans notre pays.

Chroniqueur pour le San Francisco Chronicle, pour lequel il avait déjà rédigé un article en juin 2005, il se rendit en Iran pour rapporter sa vision des faits. En septembre 2005, il vint personnellement en aide aux victimes de l’ouragan Katerina, ne manquant de critiquer l’inertie des autorités américaines. Ses affinités avec le controversé Président vénézuélien Hugo Chavez, qui l’invita à Caracas le 3 août 2007, renforcèrent sa réputation de trublion.

Pour conclure…

L’histoire de Sean Penn s’assimile à une succès story américaine avec un petit quelque chose en plus, cet engagement que Malraux appelait un « éclat d’éternité ». Il semble loin le temps où le jeune acteur de 21 ans débutait timidement dans le film Taps. 27 ans plus tard, l’homme aux 40 films a mûri, mais ne s’est pas forcément assagi. Jean Paul Sartre écrivait (Situations, II) : « l’homme n’existe pas à la manière de l’arbre ou du caillou : il est engagé ». Alors merci Monsieur Penn d’exister ainsi.


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