L’ensemble de la presse ne va pas manquer de souligner la nécessité d’utiliser le médium cinématographique pour relater avec précision et sans concession la perversion d’un homme, et plus largement celle d’un système. L’omnipotent Roger Ailes, directeur de Fox News, qui a usé de son statut pour humilier, harceler un nombre considérable de ses journalistes, et ce, durant des années. La nécessaire libération de la parole, le courage de ces femmes brisées, l’urgence de dire stop ; toute la sémantique relative au mérite du film et par ricochet de ses protagonistes sera totalement justifiée.
L’implication des trois stars féminines (mise en parallèle avec le contexte hollywoodien) et leur interprétation viscérale mérite également bien des considérations. Nicole Kidman sans fard, Charlize Theron qui se renouvelle encore une fois et l’étoile montante, Margot Robbie qui semble interroger son image ; ça matche à 100%. Derrière la caméra, Jay Roach, fait le job. Et, c’est bien là le problème. Du rythme dans un style faux-documentaire, des explications, des moments d’émotion bien calculés, et, en moins de deux heures, on boucle l’affaire. Le produit fini coche toutes les cases toutes les cases d’une commande nécessitant une petite louche de savoir–faire pour avoir l’honneur du grand écran.
Le film souffre du même syndrome que celui des chaînes d’info en continue (dont il souligne sans force la vacuité) ; coller à l’actualité sans prendre le temps de développer un point de vue. Estimant le sujet suffisamment fort, on se satisfait d’un scénario programmatique. La foi au factuel freine une audacieuse mais impérative immersion dans l’obscurité qui entoure les personnages de cette trempe. Dans le démontage en règle d’un système passablement vérolé, pour être interpellé, il en faut bien davantage. Surtout à l’aune des deux dernières croisades dirigées par Adam McKay : The Big Short et Vice.
À l’heure où de nombreuses séries télés tirent parti de leur format et encore plus de leur qualité d’écriture pour nous immerger dans l’antre des maîtres de l’information, ce Scandale sonne creux. Concernant Fox News, on recommandera The Loudest Voice, avec Russell Crowe dans le rôle de Roger Alies, et pour les magnats de la presse, suivons avidement Succession, la série produite par HBO, qui aborde sans les nommer le clan et l’empire de Rupert Murdoch.