Rencontre avec le producteur et réalisateur tchadien Issa Serge Coelo

Article écrit par

Issa Serge Coelo a mis entre parenthèses sa carrière de cinéaste pour se consacrer à la direction du cinéma le Normandie à N’Djaména de 2011 à 2017. Il enseigne également le cinéma et se montre soucieux d’assurer une relève. A présent, il a mis un terme à son activité de gérant et d’exploitant pour se dédier à un nouveau projet. Rencontre avec un homme passionné.

Africavivre : Comment le cinéma est-il entré dans votre vie ?

Issa Serge Coelo : Par manque d’images je pense. Quand j’étais petit on n’avait pas de photos ni de photographes à la ville de Biltine où je suis né. Je crois que j’ai eu ma première photo quand j’avais six ans. J’étais vraiment fier et content d’avoir cette photo de moi. La première photo de soi à six ans, ce n’est pas rien aujourd’hui avec la technologie ! L’enfant, il est dans le ventre de sa mère, on voit déjà son image. Après ça, je suis allé à Abéché et j’étais en vacances chez mon oncle qui nous hébergeait. Il y avait une salle de cinéma, gérée par un Libanais, contiguë à la maison où je vivais. Je m’asseyais sur le mur de la terrasse et je voyais les films depuis le haut : des films indiens du Bollywood de l’époque, et cela correspondait à mes premiers émois au niveau de l’image.

J’ai fait aussi du cinéma, parce que j’ai fait de la musique quand j’étais adolescent avec un orchestre à Bamako et on composait la plupart du temps, on faisait aussi quelques reprises. Cette passion de la musique m’a amené petit à petit à faire de la création et quand, après mon bac, j’ai quitté Bamako pour aller en France, j’ai commencé à faire des études d’histoires. J’ai fait un DEUG d’histoire et je voulais aller dans une école de journalisme. Finalement je n’étais pas très sûr, parce que j’aimais beaucoup l’art et en particulier le cinéma, donc j’ai fait une école de cinéma, mes parents m’ont payé cette école pendant trois ans à Paris, donc c’est comme ça que je me suis définitivement lancé dans le cinéma jusqu’à aujourd’hui. Je travaille dans le cinéma, je vis du cinéma et de l’audiovisuel. Ce n’est pas un hasard, je pense que c’était quelque chose qui était au fond de moi.

 

Africavivre : Quand avez-vous commencé à regarder des films en quantité et avec un œil cinéphile ?

Issa Serge Coelo : Je regardais des films à N’Djaména quand j’étais petit, après avoir quitté Biltine pour venir ici. On allait au Normandie voir des westerns et au « Vog », qui est maintenant le restaurant « Le Carnivore ». L’emplacement occupé par « le Carnivore » était le parking de la salle de cinéma, et la salle était là où il y a maintenant Air Maroc et Air Ivoire. C’était une salle en plein d’air, on venait là pour voir nos premiers films d’enfant, il y avait des matinées qui étaient consacrées aux enfants et on avait donc des films adaptés à notre âge. Là où j’ai eu cependant un déclic, c’est quand j’ai vu le film d’Alan Parker, Midnight Express. J’ai vu ce film quand il est sorti et j’étais pratiquement tombé de ma chaise, parce qu’il y a une scène d’arrestation à l’aéroport d’Istanbul à la descente d’un bus de ce personnage américain qui transporte de la drogue sur lui et je me suis dit : « Tiens, c’est la première fois que la mise en scène m’a fait un effet ». J’ai dit « Waouh ! », c’était spectaculaire, formidable, comme ils ont mis en valeur cette scène-là, ça m’a vraiment happé. Evidémment, à l’école de cinéma on voyait trois films par jour, dès fois on les voyait au ralenti pour faire des analyses, et une fois qu’on sortait de l’école, il y a évidemment à Paris une offre cinématographique considérable. Donc j’étais tout le temps soit à Saint-Germain, Saint-Michel pour voir les anciens films, les classiques du répertoire, soit aux Champs-Elysées ou vers les Halles pour voir les nouveautés. Cela a été un peu difficile pour moi les deux premières années et même la troisième et dernière pour savoir ce qu’est le cinéma et comment l’appréhender, pourquoi on fait du cinéma, comment on doit raconter une histoire et pourquoi on doit faire certains choix qui nous engagent au niveau éthique, philosophique, intellectuel, etc.

 

Africavivre : Comment avez-vous commencé à travailler dans le cinéma ?

Issa Serge Coelo : J’ai commencé à faire le stagiaire, une fois que je suis sorti de l’école, dans les maisons de location de caméras. A l’époque le 16 et le 35 mm étaient encore utilisés partout, la vidéo  était uniquement réservée à la télévision. Dans ces boîtes-là j’ai appris à connaître de près les opérateurs, les essais techniques, les producteurs, à voir un peu le milieu. J’ai petit à petit commencé à travailler à la caméra pour des productions institutionnelles par exemple. Un jour j’étais au Mali et je me suis dit : « Tiens, je vais écrire un scénario. » Je l’ai écrit et quand je suis revenu à N’Djaména je l’ai repris et je l’ai adapté aux réalités de N’Djaména. J’ai ainsi fait mon premier court-métrage qui s’appelait Un taxi pour Aouzou, en 1995. C’était au même moment qu’Haroun (ndlr : Mahamat Saleh Haroun) réalisait aussi son premier court-métrage. Je me suis donc lancé dans la réalisation à partir de ce court-métrage, il y a donc 23 ans déjà. Après j’ai commencé à produire des films, y compris les films des amis, et j’ai monté une société de production qui a tenu dix ans, qui s’appelait Parenthèse Films. J’ai arrêté la production pour me consacrer à autre chose, j’ai quitté Paris pour aller en Ethiopie avant d’aller complètement vivre à N’Djaména. Une fois que je suis revenu ici, j’avais déjà réalisé deux longs-métrages de fiction, un ou deux documentaires, deux-trois courts-métrages et donc je me sentais utile. Je me suis dit, « on va faire des choses avec les Cyril (ndlr : Danina, réalisateur de la série L’Age d’Or), les Youssouf (ndlr : Djaoro, célèbre acteur tchadien ayant joué dans les films d’Haroun et du couple Coelo), on va faire la révolution du cinéma tchadien » (rires). Depuis dix ans on n’a pas encore tiré une cartouche (rires), on est train de faire des actions, mais on n’a pas encore fait de révolution. Dès fois on est un peu démoralisés, parce qu’il n’y a pas de soutien  ni du public ni de l’Etat ni des ministères de tutelle ni des professionnels même. On organise donc les choses à notre rythme, on trouve de l’argent comme on peut pour tourner quelques séquences, un petit court-métrage… On peut dire qu’il n’y a pas assez de films tchadiens, on n’en a pas fait beaucoup. On n’a pas de « cinéma », comme je le dis tout le temps, on a juste quelques films et un ou deux ou trois, quatre cinéastes, mais il n’y a pas de cinéma tchadien à proprement parler. Il n’y a pas de fonds pour la production de films, il n’y a pas de salle de cinéma à part le Normandie qui est maintenant entre parenthèses fermé, il n’y a pas de professionnels qualifiés : il nous manque beaucoup de choses. On n’a pas de sociétés de production ou de post-production… On est un peu des pionniers, mais ça ne suffit pas. On n’a pas à s’en glorifier, il n’y a pas de quoi être fiers d’être deux ou trois cinéastes dans un pays comme le Tchad, c’est lamentable. Ce fait plaisir c’est que quand on a commencé on était vraiment deux, avec Haroun et moi, trois avec Zara. Moi je me suis un peu arrêté, Zara s’est arrêtée, Haroun continue, donc on ne peut pas être fiers de cette situation. Maintenant des jeunes sont en train de se lancer dans la formation, on a fait des formations aussi au Normandie, on a créé des associations, récemment un festival de courts-métrages a eu lieu, on a fait les semaines du festival allemand, le festival euro-africain, on a organisé des projections spéciales avec des partenaires de cinéma français et européens, etc. Donc on est actifs, on a des idées, des projets. En ce moment on est dans une crise économique et sociale et le cinéma franchement n’est pas au centre des intérêts du Tchadien.

 

Africavivre : Pouvez-vous nous parler des deux longs-métrages que vous avez réalisé ?

Issa Serge Coelo : Au moment où nous avons commencé à faire nos premiers films il y avait encore de l’argent pour faire des films à cette époque-là, surtout à travers la France et à travers le ministère de la coopération et celui des affaires étrangères. Il y avait un peu d’argent pour le cinéma africain. Mon premier film a été fait avec la chaîne Arte. C’était un film que je n’aurais pas dû faire tout de suite, c’est que je me dis maintenant avec réflexion et les années qui sont passées. C’était un film dont le contenu était difficile à appréhender pour moi et aussi au niveau de la maîtrise technique je n’étais pas encore apte à faire ce film-là, mais bon, il a été fait, diffusé et j’en garde un bon souvenir malgré tout, même si je suis insatisfait du résultat. J’ai beaucoup appris avec ce film-là, je crois que c’est ça qu’il me reste. Pour le deuxième film, Tartina City, j’étais beaucoup plus passionné, engagé et en moi une voix de défi disait : « Il faut que ce film soit un peu mieux que le premier, que je fasse un petit pas en avant dans la réalisation. » et je me suis engagé corps et âme à faire ce film avec très peu de moyens. C’est un film qui m’a enlevé toutes mes ressources énergétiques et j’étais très fatigué quand je l’ai fini. Ce sont ces deux films-là qui m’ont permis de rentrer de plain-pied dans le cinéma et je vais essayer de m’affirmer pour faire maintenant la suite. La suite est un peu difficile en ce moment, parce que je pense que le problème du financement du film tchadien doit commencer à être étudié et que, surtout, les solutions doivent être trouvées au niveau local. Tous nos films, nous les avons faits avec l’aide de la France, de l’Europe et très peu de pays africains ont participé directement ou indirectement à la production des films. Quand j’ai fait Tartina, je voulais un peu diversifier mes sources de co-productions. J’ai donc fait appel au Maroc et au Gabon qui ont tous deux accepté. J’ai travaillé main dans la main avec ces deux pays : le Gabon m’a amené tout ce qui était équipe et matériel techniques, et le Maroc tout ce qui concernait la post-production du film. La France a aidé un peu, la Francophonie également, et le Tchad rien, je crois, à part des tickets d’essence.

 

Africavivre : Pour votre prochain film, comment cela se passera-t-il ?

Issa Serge Coelo : J’ai l’habitude de dire qu’on ne peut pas planter un manguier au Tchad et aller chercher de l’Evian, de la Vittel ou de la Volvic pour l’arroser : ça n’a pas de sens. Ce qu’il faut c’est planter le manguier ici et l’arroser avec ce qu’on trouve sur place, faire en sorte que les mangues deviennent plus jaunes. Il nous faut d’abord de l’argent sur place pour faire nos films sur place, au lieu de chercher l’argent à l’étranger. Ca c’est une philosophie que j’essaye d’inculquer, mais je ne trouve pas de fonds sur place et je n’arrive même pas à accéder aux autorités pour leur dire que c’est important qu’on ait un fonds pour qu’on puisse se lancer. Nos pays voisins ou d’autres pays d’Afrique ont déjà mis en place tous ces mécanismes et toutes ces politiques pour le cinéma. Nous on a encore rien fait. J’attends donc de voir si on peut trouver un fonds intéressant avant de m’attaquer à ce film dont j’ai fini le scénario. Je crois qu’on ne peut plus faire des films exclusivement avec des fonds étrangers.

 

Africavivre : Votre long-métrage Tartina City est très critique et subversif politiquement. Le tournage de ce film a-t-il été difficile ?

Issa Serge Coelo : Ce n’était pas difficile dans le sens où on aurait été suivi, menacé ou connu des complications ou des sabotages, on n’a rien eu de tout ça. On savait que le film et le sujet du film étaient un peu complexes et difficiles. On a donc pris les devants pratiquement un an avant qu’on ne tourne le film pour préparer certaines autorités qu’on n’était pas dans une optique politique contre un régime, un parti, quelques personnes qui ont marqué le Tchad, mais qu’on voulait raconter une histoire : celle d’un homme de conviction et de vérité qui cherche et qui s’oppose à un homme de système, le colonel Koulbou, incarné par Youssouf. C’était plutôt cette dualité-là qui nous intéressait et voir comment, au Tchad, on pouvait nous laisser nous exprimer sur cette thématique-là. On nous a laissé faire et on n’a pas eu de soucis par rapport au tournage. A l’arrivée du film, évidemment, on a demandé que la télévision le diffuse et là on a eu des problèmes de refus, de censure disons non formulée et le film n’est jamais passé à la télévision nationale tchadienne. Peut-être qu’on va tenter de le passer sur les chaînes privées, on espère bien que ça passera et que les gens pourront le voir et se faire eux-mêmes une idée du film.

 

Africavivre : Travaillez-vous beaucoup avec des acteurs non-professionnels ?  

Issa Serge Coelo : Quand on a tourné, Il y avait des acteurs de théâtre, mais le cinéma était embryonnaire, on ne pouvait pas trouver de comédiens de cinéma. Youssouf est venu par hasard au casting de mon premier film et on s’est lancé là-dedans lui et moi en essayant de trouver des comédiens jeunes en les faisant répéter. On a fait beaucoup de répétitions avant de tourner. On faisait des répétitions pendant des semaines autour du scénario et de séquences du film, on passait du temps à s’expliquer, à parler, analyser… C’étaient beaucoup de répétitions avec des amateurs. Moi, j’aime bien les amateurs, je suis attiré par eux, parce qu’ils ont une espèce de candeur, de fraîcheur aussi et de naïveté dès fois, mais une espèce de justesse incroyable parfois. J’aime bien et j’aimerais faire encore d’autres films avec des gens qui n’ont pas pour objectif de faire de la comédie.  Maintenant, avec le temps, quelques comédiens arrivent à s’en sortir avec le peu de films qu’on fait. Un pas vers la professionnalisation des comédiennes et des comédiens se laisse donc constater. Beaucoup de jeunes garçons et de filles veulent se lancer là-dedans, et leur exemple est évidemment Youssouf, qui est la tête de gondole des comédiens d’ici et c’est une bonne chose.

 

Africavivre : Vous écrivez, préparez votre tournage, mettez en scène, dirigez vos comédiens, faites du montage. Que préférez-vous entre ces différentes activités ?

Issa Serge Coelo : J’aime le tournage et la période de tournage. Tout ce qui concerne la production comme la préparation m’ennuie un peu. Quand on arrive au tournage on se sent une vitalité qu’on n’avait plus, une jeunesse et une hargne, une énergie débordante et une envie de se battre. Le tournage est aussi un moment de création pure et c’est également un moment où on réalise qu’on ne peut plus faire marche arrière. Il faut amener le film jusqu’au bout et finir le tournage qui n’est en plus qu’une étape, mais il ne faut pas blaguer avec cette étape très vivante où tout le monde est présent. C’est le bordel, c’est le chaos, c’est l’amitié et ce sont aussi des absences, des relâchements, des motivations : tout est là dans un tournage, et il faut garder le cap, faire en sorte que tout le monde croit au film, ce n’est pas facile. Parfois on est prêt à abandonner, mais ce serait une erreur, parce que c’est difficile de reprendre un film qui s’est arrêté. Après, dans la post-production, j’aime le montage. J’aime bien que le montage soit fait, dégrossi disons par un monteur ou une monteuse, et qu’à ce moment-là on peut arriver à une première version d’un montage. J’essaye après d’avoir une réflexion sur certains éléments de ce montage et ça aussi c’est de la création, dans le montage aussi il y a de la création et cette création doit être trouvée entre le réalisateur et le monteur. Après cela viennent les phases très techniques et celle que j’aime le plus parmi celles-là est le montage de la musique, la place de la musique dans le film. C’est un moment très déterminant où on doit faire certains choix, parce que la musique nous renverse, nous corrompt aussi. Elle nous capte tellement qu’on oublie qu’elle est au service de l’image, alors qu’on peut être emporté en pensant : « c’est beau », comme dans une espèce de clip où en fait l’image et la musique ne fonctionnent pas ensemble…

 

Africavivre : Le Tchad est un pays qui n’est pas exempt de problèmes, loin de là. Plus de comédie et de légèreté dans les films nous venant de ce pays serait-il appréciable ?

Issa Serge Coelo : Les jeunes réalisateurs sont beaucoup plus dans cette approche de comédie que nous (ndlr : la génération d’Issa Serge Coelo) qui sommes dans une approche plus historique et dramatique. Ces jeunes se lancent donc dans la comédie et c’est une très bonne chose.

 

Africavivre : Vous avez dirigé le Normandie de 2011 jusqu’à sa fermeture cette année. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?

Issa Serge Coelo : C’est une vieille histoire. Avant même que je prenne la direction de cet établissement, j’avais déjà passé dans cette salle une partie de mon enfance, j’y avais vu quelques films. Après la guerre, en 1979, 1980, quand je suis revenu dans cette salle qui était devenue une espèce de ghetto – tout avait été chamboulé, cassé -, il y avait là une colonie de pauvres et de marginaux, et on s’est dit que c’était quand même incroyable de ne plus avoir de salle de cinéma à N’Djaména, après aussi que le Vog avait été vendu aux Libyens pour en faire un hôtel. Dans des interviews, Haroun, moi et d’autres on se plaignait de ne pas avoir de salle de cinéma alors qu’on faisait des films, on disait : « Ca ne sert à rien, pourquoi on n’a pas de salle ». Je ne sais pas ce qui s’est passé, le message est arrivé dans les oreilles du chef de l’Etat et pour le cinquantenaire il a demandé à son Ministre de la Culture de s’occuper du cas du Normandie, de le rénover, de l’équiper, de le remettre en activité et de me confier la gérance des activités, parce que j’étais le seul à évoluer dans le domaine professionnel du cinéma, et bien que l’exploitation ne soit pas du tout mon domaine. J’ai cependant pris ça très au sérieux, comme une mission. Il ne fallait pas que la « maison des cinéastes » – pour moi c’est vraiment notre maison – ait des lacunes, des problèmes de gestion ou d’administration. Il fallait que cette salle continue à avoir une activité, une normalité comme des salles dans d’autres pays. C’était ça mon défi. Le danger était aussi que si en tant que cinéaste j’échouais à gérer le Normandie, les gens diraient : « Vous les cinéastes, arrêtez de vous plaindre, on vous a donné une responsabilité et vous avez failli ». C’était un mauvais message qu’on aurait donné aux autorités d’ici, au public tchadien et surtout aux cinéastes africains qui suivaient de très près la renaissance du Normandie. C’est devenu un très bon signal que le Tchad a envoyé au cinéma africain et même mondial. Beaucoup de journalistes sont venus pendant le cinquantenaire et étaient étonnés. Ils ont reporté cette nouvelle dans le monde et on était très fiers de ça. La difficulté dans la gestion de ce cinéma est que les gens ne venaient pas et on n’a eu pas d’aides ou de subventions de l’Etat, donc on s’est débrouillés bon an mal an avec des privés, des sponsors pour des locations de salle, etc. Cela nous a permis de payer des salaires et les locations des films des studios américains, de payer toutes les charges, l’électricité, les pannes… J’attends aujourd’hui une reprise au niveau de l’Etat et de son administration et que le Normandie puisse redémarrer ses activités, mais j’ai décidé de me retirer, comme je veux revenir à la réalisation : c’est mon objectif d’ici l’an prochain. J’attends donc qu’une société ou une entité soit choisie par le ministère de la culture pour continuer les activités.

 

Africavivre : Vous donnez aussi des cours de réalisation à l’ISFOP…

Issa Serge Coelo : Oui, j’ai une trentaine de jeunes qui ont un tronc commun la première année et vont aller jusqu’à la troisième année pour avoir une licence. Je leur enseigne la réalisation, la mise en scène, et un peu l’écriture, l’image, l’histoire du cinéma, la technique, etc.

 

Africavivre : Ca vous plaît cette expérience ?

Issa Serge Coelo : Oui, ça me plaît ! Je vois trente jeunes assis en face de moi et on échange ensemble autour des problèmes de l’audiovisuel, du cinéma africain, tchadien… Mon expérience se confronte à leur envie et leurs questions. Cette expérience est motivante pour moi, ça se passe bien.

 

Africavivre : Quels films avez-vous produit avec votre société de production en dehors des vôtres ?

Issa Serge Coelo : J’ai produit le premier court métrage d’un ami ivoirien, le film s’appelle Bouzié, l’histoire d’une grand-mère. C’est notre première production, on l’a amené au Fespaco en 1997 où il a gagné le grand prix. J’ai ensuite produit mes propres reportages avant de me lancer dans la co-production de mon premier long-métrage avec une société de production beaucoup plus aisée et expérimentée que la mienne après avoir produit aussi le film d’un  Camerounais qui avait fait un film sur le Rwanda après le génocide. J’ai produit également un court-métrage de Cheikh Fantamady Camara en Guinée, j’ai fait un film avec la Burkinabée Mouna Ndiaye qui était ici pendant la formation, un documentaire sur le warba – une danse du Burkina. J’ai produit d’autres jeunes aussi puis j’ai fait Tartina et après Tartina j’ai fermé ma société pour travailler avec ma société Sic Productions ici au Tchad avec laquelle je produis des films institutionnels et des courts-métrages : les premiers courts-métrages d’Achille, de ma femme Ache…

 

Africavivre : Quels sont les cinéastes et les films africains qui vous ont le plus marqué ?

Issa Serge Coelo : Les cinéastes africains qui m’ont beaucoup marqué sont le Sénégalais Djibril Diop Mambéty, Sembène Ousmane, le Malien Souleymane Cissé, le Burkinabé Idrissa Ouedraogo, les premiers films du Mauritanien Med Hondo, etc. J’ai des films en tête : La Noire de… de Sembène Ousmane, Touki Bouki et Hyènes de Djibril Diop Mambéty, Le Franc – un moyen-métrage qu’il a fait qui est très beau -, Yeelen de Souleymane Cissé, Yaaba et Tilaï d’Idrissa Ouedraogo. J’ai bien aimé Daratt de Mahamat Saleh-Haroun. Dans la nouvelle génération : Alain Gomis, le Nigérian Newton, Zeka La Plaine, Balufu Bakupa, Fadika Kramo-Lanciné… Il y en a beaucoup. Au Maroc, en Tunisie, en Algérie ils ont aussi de très bons films et de très bons cinéastes. Daouda Coulibaly était également venu avec son équipe au Normandie pour son film Wulu, j’aime bien ce qu’il fait, on avait passé un très bon moment. Cheikh Oumar Sissoko, Abderrahmane Sissako ont fait de grands films. J’aime les films africains faits en Afrique par des Africains. Des choses se font, c’est encourageant.

 

Propos recueillis par Matthias Turcaud le 4 juillet 2018 à N’Djaména au centre Talino Manu.

Réalisateur :

Pays :


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi