Psychomagie, un art pour guérir

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A mi-chemin entre fiction et documentaire, le réalisateur emblématique Alejandro Jodorowsky semble désormais se complaire dans sa reconversion de psychomagicien et partage ici les secrets de cette thérapie surprenante. Intéressant mais peu accessible.

Naissance d’une pratique

« [La psychanalyse] C’est une méthode qui fonctionne principalement avec la parole. Mais les mots ne sont pas la chose (…) Les mots te servent pour comprendre, pour analyser mais ils ne peuvent pas te guérir (…) J’ai envisagé la Psychomagie comme un acte guérisseur, qui permet de toucher en soi son véritable être. »

Convaincant au premier abord, n’est-ce pas ? Il y a quarante ans, Alejandro Jodorowsky fait naître la Psychomagie, une technique thérapeutique qui se veut aux antipodes de la psychanalyse. Car ici, on agit avec des actes spirituels, symboliques (parfois carrément malsains), dans le but de libérer le patient de ses blocages émotionnels. Inspiré par son livre éponyme, l’artiste aux multiples facettes prend du recul sur les accomplissements de sa vie et livre un traité pour la cicatrisation des âmes. Esprits cartésiens, fuyez !

 

 

Mise en scène

« Filmer un acte psychomagique, c’est comme attendre qu’un accident se produise au coin de la rue. Tu ne peux pas préparer l’accident, tu dois attendre qu’il ait lieu (…) De ce fait, ce film n’est pas un documentaire classique. Là, tout se produit en direct, sans filet (…) Après un siècle de gens qui imitent des sentiments, on essaie de faire un film d’1h30 sans acteurs, avec uniquement des sentiments authentiques. »

Effectivement, voilà un des enjeux du documentaire : mettre en scène, dévoiler son art par des moyens cinématographiques, tout en faisant comprendre au spectateur, que non, Jodorowsky ne nous raconte pas une fiction, que oui, ceci est bien un documentaire et que les personnes présentes à l’écran ne sont pas des acteurs sinon de réels patients.

Seulement, bien que le cinéaste ai toujours possédé ce capital de persuasion inné, parvenant à rendre la moindre expérience sensuelle ou morbide au final fascinante, l’absence de narration échoue à rendre cette série d’actes théâtraux crédibles. Certains seront épris d’un fou rire nerveux à la vue d’une violoncelliste étalant son propre sang menstruel sur son instrument, tandis que d’autres lâcheront une grimace de malaise en observant une femme se laisser palper le corps par deux individus tous aussi nus qu’elle. Comme si, à trop vouloir travailler le fond de son oeuvre, le contenu, notre gourou en aurait oublié la forme.

 

 

Intentions

Cependant, Psychomagie, un art pour guérir, s’avère être un film très pur comme cela faisait longtemps que l’on n’en avait pas vu. Authentique, celui-ci est sans doute l’oeuvre la plus personnelle de l’auteur, tant elle prolonge la conviction de Jodorowsky : l’art n’a de sens profond que si il guérit et libère les consciences. Mention spéciale à la chef opératrice, Pascale Montandon-Jodorowsky, la femme du réalisateur : elle parvient à trouver la juste distance entre le spectateur, petite souris témoin de séquences fortes vibrantes de douleur, et des patients téléportés au coeur de leur propres névroses. Il est indéniable que Psychomagie reste une expérience aussi bien visuelle qu’émotionnelle.

 

 

Si les habitués de Jodorowsky seront comblés, les non-initiés risquent d’être étourdis, perdus au milieu de ce fracas d’idées et de concepts abstraits. Car au final, le film a beau mettre en image la pratique de Jodorowsky, mais il ne démontre rien, ne prouve rien. Les « séances » font sans cesse planer le doute entre captation et reconstitution et l’on se demande même au final si Jodorowsky a réellement crée une thérapie inédite, jusqu’ici jamais testée. Psychomagie, un art pour guérir trouble et nous fait remettre en questions toutes nos certitudes. Alejandro Jodorowsky : Magicien ou Gourou ?

Titre original : Psychomagie, un art pour guérir

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Durée : 100 mn


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