Poet

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Non, la poésie ne meurt pas, écrasée par les robots…

« Force » de la langue anglaise

Depuis la globalisation et la mondialisation, grosso modo autour des années 1980, le monde a changé. Actuellement, au XXIème siècle, nous pouvons dire qu’il n’y aura pas de retour en arrière possible ni pour l’économie, ni pour la culture. Ce nouveau film du Kazakh, Darezhan Omirbayev, en est l’illustration. Cette mondialisation a attaqué les fondements même de toutes les cultures de la planète : des langues disparaissent un petit peu chaque jour. Il le constate lui-même dans le dossier de presse : « L’humanité se dirige lentement vers une langue unique, probablement l’anglais. Les Kazakhs se vantent que leur dialecte possède un vocabulaire riche et étendu mais, de nous jours, il s’agit plutôt d’un désavantage. Les langues riches et complexes sont perdantes face à l’anglais. Si vous traduisez deux pages de kazakh en russe, vous obtenez une page et demie. Si vous traduisez deux pages en anglais, vous en tenez une seule. C’est la force de la langue anglaise. Avec une syntaxe robotique, idéale pour les ordinateurs. »

Un road movie poétique

Pour sa septième réalisation depuis pas mal de temps, le réalisateur et scénariste, venu des mathématiques appliquées, nous propose un magnifique film, à la fois plein d’humour, de gravité et de… poésie qui se fraie toujours un chemin même parmi les ruines. Poet est en effet un film sur la poésie qui se meurt, mais pas seulement. En choisissant de mettre en parallèle la vie de Didar, jeune poète condamné presque au silence par sa besogne quotidienne et aride dans un petit journal, et celle du grand poète kazakh du XIXème siècle, Makhambet Utemisov, figure légendaire et maintenant honorée du poète militant et opposant aux autorités, décapité par le gouverneur du Kazakhstan Occidental, Khan Zhangir. Pour accentuer ce parallèle, le réalisateur a choisi de faire interpréter les rôles du jeune journaliste poète, de sa femme et son enfant par les mêmes acteurs qui interprètent les rôles de Makhambet et sa famille. L’un s’est battu contre les autorités et le jeune homme actuel tente de se battre contre l’indifférence de la technologie face à la beauté de la langue et de la poésie. Du reste, lorsque Didar est invité pour une lecture de ses poèmes dans un grand théâtre au fin fond du Kazakhstan, il n’y pas personne dans l’immense salle du théâtre, sauf une jeune admiratrice bègue qui s’arrête de bégayer lorsqu’elle se met à lire l’un des poèmes de Didar en « public ». Cette jeune fille est d’ailleurs interprétée par une des étudiantes de Darezhan Omirbayev.

Inspiré d’Hermann Hesse

Inspiré d’une nouvelle d’Hermann Hesse, Soirée d’auteur, lue par hasard par le réalisateur, ce film magnifiquement éclairé par le directeur de la photo, Boris Troshev avec lequel il travaille depuis toujours, Poet étonne par sa structure narrative qui peut sembler, au départ, confuse mais qui s’articule sur deux points : le devenir du corps de Makhambet qu’on a arraché à la steppe pour l’analyser et dont on ne sait plus faire ensuite des reliques, à part construire un mausolée, et l’errance du jeune poète racontée comme dans un moderne et absurde road-movie. Mention particulière pour le jeune acteur, Yerdos Kanayev, quasi mutique qui interprète Didar et qu’Omirbayev a découvert en regardant une vidéo sur un groupe folklorique de Shymkent. Mais, et c’est ici que se trouve la force de ce beau film, la poésie n’est pas morte, malgré la globalisation, la victoire de la langue anglaise, les réseaux sociaux et la paresse intellectuelle. Comme une goutte d’eau, elle continue de tracer sa route sur le sol en évitant les obstacles et elle éclate partout, notamment au cinéma et ce film en est la preuve. « La poésie est habitée par des aspirations supérieures, par la pureté, l’idéalisme, la foi, déclare Darezhan Omirbayev. Elle l’a toujours été et le sera toujours. C’est du moins ce que je veux croire. »

Titre original : Akyn

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Durée : 105 mn


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