Pahokee

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Portrait attachant et émouvant d’un lycée en zone agricole de Floride.

Filmer des portraits et des instants

Après quatre courts métrages remarqués à Cannes et à Sundance, les deux réalisateurs nous proposent un portrait de l’Amérique à travers une enquête sur le lycée principal de Pahokee, petite ville rurale du sud de la Floride. Pendant presque deux heures, on peut voir des images souvent superbes, mais aussi des portraits, notamment de quatre adolescents et de leurs rêves et espoirs. C’est un très beau film documentaire, émouvant et sensible, qui donne en plus une bonne image des moeurs et des idéaux américains, à travers ces jeunes souvent issus de l’immigration, le Mexique et les îles antillaises n’étant pas très loin. On les voit surtout faire du sport, mais aussi dans des concours de beauté ou pour des élections de représentants scolaires où la campagne est menée de la même manière que les élections officielles, avec propagande, affiches et pompoms girls, avec défilé de chars et groupies en folie.

 

 

Un paysage à la fois rural et urbain

On voit bien à travers tout le film que les deux réalisateurs connaissant bien Pahokee et leur film fait parfois songer à ceux de Frederick Wiseman, et tout particulièrement son dernier, Monrovia, Indiana, sorti en 2018. La famille de Patrick Bresnan vit dans le comté de Palm Beach en Floride depuis vingt ans et il est photographe, ce qui s’observe bien dans le film parfaitement cadré et photographié. Quant à Ivete Lucas, elle a grandi au Mexique et s’est installée en 2009 aux USA pour y étudier le cinéma à l’université du Texas, où elle rencontra le co-réalisateur. Après leur mariage en 2012, Patrick Bresnan a commencé à photographier leurs histoires, leur environnement et les marques culturelles de l’Etat. Dans un premier temps, il a photographié le bal de promo du lycée de Pahokee en 2014 dont il a tiré un livre qui fut distribué aux élèves et à leurs familles. Ensuite, à travers le film, le désir du couple de réalisateurs était de montrer à la fois les mutations culturelles de ce petit monde qui vit surtout de l’agriculture. La ville et le conté en ont été transformés, si bien qu’il a fallu  tenter de protéger ces Everglades de la pollution chimique due à l’agriculture intensive, tout en développant la lutte pour préserver la faune et la flore.

 

 

Le modèle américain mis en scène

Dans le récit du rêve américain qui survit encore dans l’imaginaire des quatre élèves qu’ils ont suivis, on remarque encore qu’il est entaché du désir de réussite et de glamour, propres aux Etats-Unis, mais aussi se montre comme une manière d’ascenseur social, notamment à travers le portrait de la jeune Mexicaine dont les parents travaillent dur à faire des tacos dans leur petite roulotte pour lui permettre de faire des études et de réussir dans le modèle américain. L’apothéose de tous ces jeunes courageux et ardents est dévoilée par le finale du film qui, sans commentaires et sans voix-off, permet de capter en direct tous ces moments d’émotion à travers le rite quasi-initiatique et traditionnel de la remise des diplômes aux lauréats avec faluches, fanfares et grands discours. Tout ce cérémonial hérité du Moyen-Age par le biais des premiers colons persiste contrairement aux pays européens qui l’ont abandonné depuis longtemps. On en viendrait à se demander si c’était une bonne chose, car il représente encore et toujours un élément fort de la cohésion sociale, culturelle et ethnique de ce grand pays.

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