Northwest

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Polar nordique classique mais efficace.

Nordvest, bloc nord-ouest de la banlieue de Copenhague. Pas exactement touristique, le quartier n’est ni le plus beau, ni le plus développé de la capitale danoise. Tout en briques rouges et bâtiments austères, Nordvest se bat depuis plusieurs années contre les violences et les inégalités sociales. Multi-ethnique, c’est aussi l’un des plus pauvres de la ville – c’est lui qui donne son nom à Northwest, deuxième long métrage de Michael Noer après R (2010, inédit en France), drame carcéral co-réalisé avec Tobias Lindholm, scénariste des Submarino (2010) et La Chasse (2012) de Thomas Vinterberg et réalisateur cette année du mouvementé Hijacking. Pour son premier film en solo, Michael Noer opte pour un polar classique, ultra-codifié : violence endémique, problèmes sociaux, drogues et prostitution, liens du sang et destin tragique, tout y est. Casper a 18 ans, il vend à un caïd local ce qu’il vole en cambriolant des maisons de luxe. Le crime organisé s’installe à Nordvest, Casper saisit sa chance, profite d’une nouvelle hiérarchie pour jouer double-jeu et entraîne dans son sillon son petit frère Andy, 17 ans.

Northwest est l’histoire d’un engrenage, d’une machine qui s’emballe ; le programme quasi automatique de l’ascension rapide et de la chute probable d’une petite frappe. Pas de recherche d’originalité de la part de Noer, qui s’intéresse plus à l’observation d’un milieu, pas toujours si éloigné d’un style Dardenne : réalisme sec mais pas austère, exempt de misérabilisme mais loin d’être insensible. Le cinéaste a ici passé un temps considérable à se documenter, à rencontrer les gens des environs, à rassembler ce qui, à l’écran, donnerait quelque chose auquel on puisse croire. Ses deux acteurs principaux, frères dans la vie, ne sont pas professionnels – ce ne sont pas les seuls au générique, et ce semble être moins par souci d’atteindre à une certaine vérité que pour obtenir un caractère brut à l’interprétation. C’est d’ailleurs l’attention à la celulle familiale que Noer soigne particulièrement, notamment dans l’illustration de l’opposition entre les responsabilités que Casper a chez lui (le père est absent, la mère travaille beaucoup, il est en charge de ses deux frère et sœur) et le manque de respect qu’ont pour lui les malfrats auxquels il s’associe.

 

 

La grande qualité de Northwest est de ne pas afficher de jugement moral : si l’absence de figure paternelle est souvent lourdement soulignée (Casper puis Andy recherchent chez les chefs de gangs un lien de filiation qui leur manque à la maison), le film de Michael Noer ne sacrifie jamais à la tentation naturaliste. Il y a là un grand souci de la dramaturgie, et du genre : Northwest est un polar, s’annonce et se déroule comme tel. L’enjeu y est de se constituer un clan et de le défendre, qu’il soit familial ou dans la rue. À ce titre, l’image est exemplaire, toute en tons froids et dans une belle palette de gris, dans des plans nerveux du directeur de la photographie Magnus Nordenhof Jønck, déjà responsable de la photo de Hijacking, mais aussi de plusieurs épisodes des séries Borgen (Adam Price, 2010-2013) et The Killing (Søren Sveistrup, 2007-). Plusieurs séquences sont attendues : les beuveries et règlements de comptes en boîte de nuit donnent l’impression d’avoir été vues mille fois, elles ne nuisent pourtant pas à une grande inquiétude d’ensemble, Noer sachant ménager une tension de chaque instant.

C’est sa manière d’embrasser son caractère de pur divertissement en même temps que de tenter le portrait d’une fratrie qui finit par séduire dans Northwest : les évènements s’y enchaînent avec une efficacité certaine, ne prenant jamais par surprise mais offrant exactement ce qu’on attend d’eux, et d’un polar – nordique de surcroît. Noer alterne action et apaisement, au cours d’une belle sortie familiale dans un spa notamment. Là, la maladresse de Casper à vouloir prendre soin des siens en leur offrant un loisir trop cher pour eux révèle finement tous les efforts qu’il déploie pour exister pleinement, se faisant une place de chef là où, à l’extérieur, il n’est que l’exécutant. Et, alors que la caméra ne suit que lui depuis le départ, on se met à l’aimer complètement, jusqu’à ce que, brusquement, il sorte tout à fait du champ. 

Titre original : Nordvest

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Durée : 91 mn


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