C’est turbulent, ça va vite, c’est exalté : pas de doute, nous sommes chez Maïwenn, dont la filmographie depuis Pardonnez-moi (2006) n’aime rien tant que tutoyer les extrêmes. Sur un fil jamais loin de l’hystérie et d’un certain parisianisme bourgeois vraiment pénible (Cassel prend un “pied-à-terre” de 3 pièces avec poutres apparentes, Tony s’appelle en réalité Marie-Antoinette, oui oui), Mon Roi est, dans sa première heure, parfaitement exaspérant. C’est le temps qu’il faut pour s’acclimater à deux personnages peu aimables, à des situations réchauffées et à une psychologie de bas-étage, fût-elle volontairement caricaturale – Tony a un problème au genou, le “je-nous”, voyez. Le problème majeur étant surtout que, de l’histoire de Georgio et Tony, on se fout à peu près royalement, et qu’on réfléchit longuement à qui l’on aime le moins des deux (le beauf nouveau riche hystéro ? la femme adepte de l’autoflagellation ?) avant de s’en désintéresser tout à fait.
Reste que Maïwenn a un style : le filmage pleine face, aussi nerveusement “dans ta gueule” que l’est son scénario. Ce style, efficace quoiqu’agaçant, a fait ses preuves dans Polisse ; il épouse ici idéalement les situations dans le bain desquelles Maïwenn semble jeter – littéralement – ses personnages. Que les-dites situations ne soit pas des plus passionnantes (la naissance d’un enfant, une énième tromperie, un craquage en public – sommet de gêne) n’empêche pas au film de coller à son sujet : celui d’une sujetion. Le roi de Tony, c’est Georgio, auto-baptisé “roi des connards” en début de relation, et qui lui rappelle volontiers qu’elle savait “à quelle genre de type” elle avait affaire. Les rapports sont d’emblée certifiés toxiques, Tony s’y engouffre néanmoins : partant, le film permet de rabattre sans cesse les cartes de ses personnages, et Maïwenn s’autorise, et c’est tant mieux, à faire de l’homme autant que de la femme l’hystérique. Mon Roi navigue ainsi de renversement en renversement, observe la chimie qui existe entre ces deux-là et fait que les sentiments continuent d’enfler ou, inversement, de s’étioler. Ainsi, Mon Roi fait in extremis la démonstration de sa thématique : si le film est éreintant, c’est qu’il n’avait de cesse de montrer l’éreintement. Et, de la même manière que la relation qu’il décrit n’en finit plus de s’essoufler, le film se vide lui aussi de toute son énergie rageuse, jusqu’à un constat d’échec qui vaut aussi comme possiblité, enfin, de renaissance.