Metro Manila

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Thriller réaliste à Manille par le réalisateur de « Cashback ».

De Sean Ellis, on connaît surtout Cashback (2007), son premier long métrage qui venait « compléter » un court éponyme remarqué en 2004 ; l’histoire d’un jeune étudiant aux Beaux Arts qui, s’ennuyant dans le supermarché où il travaille, imagine qu’il suspend le temps pour dessiner les jeunes filles qui lui plaisent. Son deuxième long, The Broken (2008), était un film d’angoisse autour d’une mémoire à reconstituer suite à un accident dû à un miroir brisé. Metro Manila est le troisième film du cinéaste britannique, et surprend d’emblée par la manière dont il s’offre aux prises avec la réalité. Après un premier quart d’heure passé dans les montagnes du Nord des Philippines, rizières à perte de vue et misère noire, on suit un couple d’agriculteurs fauchés et leur fille jusqu’à Manille, où ils espèrent pouvoir se faire une vie meilleure. Mais la ville est une jungle, et Oscar et les siens aussi gentils que naïfs. Sa femme se retrouve vite à faire l’hôtesse dans un bar de prostituées, les expulsions se suivent à cause de propriétaires sans scrupules : retour à la case bidonville. Jusqu’à ce que, sur un malentendu, Oscar décroche un boulot de convoyeur de fonds – profession pas de tout repos. 

La première heure de Metro Manila suit la petite famille pas à pas, dans des scènes très minutieusement observées mais pas toujours exemptes de sentimentalisme. Déconvenues professionnelles, petites humiliations, désespoir grandissant : Sean Ellis est tout à fait de leur côté, mais ne fait pas exactement dans la dentelle. Le film lui aurait été inspiré par une rixe à laquelle il assista à Manille il y a quelques années, scène d’une violence inouïe qui l’avait marqué : ça se sent, le cinéaste a à cœur de montrer les recoins pas reluisants d’une mégalopole clivée, où les riches vivent dans des tours et les pauvres dans des bidonvilles régulièrement incendiés ou inondés. Le passé de photographe de Sean Ellis sert pourtant Metro Manila à plusieurs reprises ; le réalisateur a l’œil et un grand sens du cadrage, et plusieurs séquences – les ouvriers se battant pour partir sur les chantiers, les murges collectives dans les bars miteux, les migrants cachés sous les trains pour entrer dans la ville – contribuent à donner une vision réaliste de la ville. Cette première moitié du film n’échappe pas à une certaine « poésie de la misère », d’autant plus que le style Ellis est très travaillé, très esthétique, couleurs chaudes et nettes et nuit fluo ; il n’empêche qu’on a envie de suivre Oscar.
 

 

C’est d’autant plus vrai dès qu’il prend ses fonctions de convoyeur de fonds, milieu qu’il va vite découvrir aussi corrompu que les autres, et forcément dangereux. Les attaques sont fréquentes, son acolyte lui raconte vite la mort de son ancien partenaire, tué au cours d’un braquage qui a mal tourné. Oscar va bientôt devoir mettre ses principes de côté : s’il veut gagner de l’argent, le job nécessite des arrangements avec la morale, surtout quand son associé voit une opportunité inespérée de voler une caisse de billets. Sans atteindre le déchaînement d’un film comme The Raid (2012), autre film d’un Britannique (Gareth Evans) tourné en Asie, Metro Manila s’emballe et pénètre de plain-pied dans le thriller, qui offre des pointes d’action maîtrisées et qui, surtout, ne déroge jamais à l’objectif fixé dès le départ : le réalisme. Pas d’emballement superflu, la violence explose bel et bien, dans une image très stylisée – Ellis vient de la photo de mode, ça se voit -, mais reste contenue dans un cadre crédible, qui permet aussi bien le divertissement que l’identification. C’est la ligne de force du film, qui n’hésite pas à emprunter des chemins tortueux pour parvenir à sa conclusion, maline et assez inattendue, qui ne fait pas oublier certaines facilités (la dénonciation des inégalités notamment) mais fait de Metro Manila un petit modèle d’efficacité. 

Titre original : Metro Manila

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Durée : 115 mn


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