Max et les ferrailleurs (1971)

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L´un des films préférés de Sautet, « Max et les ferrailleurs » s´intéresse au petit banditisme et consacre Michel Piccoli et Romy Schneider couple de cinéma.

C’est sur une défaite que l’on découvre Max (Michel Piccoli), policier un peu austère accro au flagrant délit et qui a laissé filer un gros coup : une bande de braqueurs qu’on attendait à l’arrivée d’un convoi de fonds – ils ont attaqué au départ. La rage est contenue mais bien là quand même : Max veut du chiffre, il rêve d’un coup de filet, dusse-t-il le provoquer. Aubaine : il tombe par hasard sur Abel (Bernard Fresson), une vieille connaissance perdue de vue depuis une quinzaine d’années et qui fricote avec des ferrailleurs. Gang de malfrats à la petite semaine, Abel et ses potes trafiquent des pièces détachées de voitures volées entre deux demis au bar de Nanterre qu’ils fréquentent par tradition. Abel a une petite amie, Lily (Romy Schneider), belle Allemande qui ne se prostitue pas parce qu’il le lui demande mais parce que l’argent est facile, et que les vieilles habitudes ont la peau dure. Max se fait passer pour Félix, un banquier, devient rapidement le client régulier de Lily, la pousse bientôt à croire qu’Abel et sa bande pourraient réussir un braquage facile contre une petite banque du nord de Paris.

Deuxième film noir de Sautet après Classe tous risques (1960), Max et les ferrailleurs est sans doute son polar le plus maîtrisé. Si son goût pour le genre du film policier apparaît moins évident que chez un Jean-Pierre Melville par exemple, il réussit brillamment la peinture d’un banditisme de bas étage, où un code d’honneur existe bel et bien, mais qui pencherait plus du côté de l’amitié, de la solidarité. Max et les ferrailleurs est un film de personnages, où l’intrigue ne sert finalement que de prétexte à l’exposition d’une famille de magouilleurs d’une part ; d’un flic froid et calculateur d’autre part. L’une des premières séquences en est la plus parfaite illustration : en un montage si habilement réalisé qu’il donne l’impression d’un plan-séquence, une série de plans présente Abel, P’tit Lu et les autres en longue focale, observés à travers un téléobjectif policier. À chaque visage, une voix off présente le personnage : ça n’a l’air de rien, mais c’est avec délicatesse que Sautet les introduit tous – plus besoin, par la suite, d’en douter : à défaut d’être les gentils, ce seront eux pour lesquels on développera, sinon une affection, du moins un attachement.

Face à eux, Max, sommet de froideur et d’ineffable dureté, l’ancien procureur devenu flic pour pouvoir arrêter des méchants : riche, propriétaire terrien, habitant d’un studio parisien désincarné, il incarne le pouvoir face aux ferrailleurs. C’est l’aspect le plus intéressant du film, celui qui fait se confronter deux mondes qui n’ont rien à voir : le banditisme n’est ici qu’affaire d’opportunité et volonté de se tirer d’un quotidien morne et triste, tandis que les méthodes de la police sont rigides et douteuses, quasi « Inspecteur Harry-esques ». La lutte est d’emblée déséquilibrée tant les moyens ne sont pas égaux : si Max tient tant à coffrer les ferrailleurs, c’est plus par volonté de redorer son blason que par souci de rétablir la justice. Ici encore, Sautet ausculte ces jeux de pouvoir – une constante dans son cinéma – avec une grande finesse, notamment dans les rapports qu’entretient Max avec sa hiérarchie : s’il estime les règles indues, il n’a aucun scrupule à les contourner, tandis que ses supérieurs ferment les yeux sur ses manières de faire, pour le moins questionnables.
 
  

 
 
Claude Sautet ne cachait pas son dédain pour le personnage de Max, qu’il jugeait vénal, tordu et immature. Son film a pourtant l’incroyable élégance de n’en rien montrer : par le biais d’un style direct et limpide, il s’abstient de tout jugement sur son protagoniste, préférant rapidement montrer ses lignes de faille. Les producteurs avaient un temps pensé à offrir le rôle à Alain Delon et Yves Montand ; Sautet voulait Piccoli. Tous deux ont finalement refusé, laissant tout le loisir à ce dernier de composer l’un de ses personnages les plus complexes, montagne de glace que l’amour d’une prostituée fera finalement vaciller. Face à lui, Romy Schneider, qui hérite du rôle après que Claude Sautet essuie cette fois-ci les refus de Catherine Deneuve et Marlène Jobert, Max et les ferrailleurs bénéficie alors d’une certaine magie des actes manqués, réunissant les deux acteurs pour la deuxième fois après Les Choses de la vie (1969). Piccoli et Schneider se lieront d’une grande amitié sur le tournage, tourneront encore plusieurs fois sous la direction de Sautet par la suite : c’est un couple d’écran qui naît ici, parfaitement dirigé dans des scènes qui confirment le goût de Sautet pour un cinéma des sentiments – Max prenant Lily en photo pendant qu’elle prend son bain en étant le plus bel exemple.

Max et les ferrailleurs est le premier film d’un cycle que certains appellent « le cycle des prénoms », avant César et Rosalie (1972), Vincent, François, Paul… et les autres (1974) ou encore Nelly et Monsieur Arnaud (1995). C’était aussi selon Jacqueline Thiédot, sa monteuse attitrée depuis L’Arme à gauche (1965), l’un des préférés de son auteur. Pour preuve, Claude Sautet, qui avait remonté sept de ses films peu de temps avant sa disparition, n’avait quasiment pas retouché celui-là. C’est, enfin, un film qui exigea un choix : trois fins alternatives étaient en effet prévues. Nous ne dirons rien de celle retenue, pour ne rien gâcher d’une première vision du film : seulement qu’elle est celle qui expose, de la manière la plus bouleversante, toutes les frustrations si longtemps contenues de Max . Tout le talent du cinéaste est dans cette dernière scène quand, en un regard, tous les sentiments que l’on a pu avoir à son égard sont à revoir.

Titre original : Max et les ferrailleurs

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Durée : 110 mn


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