Marie-Antoinette

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Sous les feux hollywoodiens, Marie-Antoinette est au centre d’une flamboyante épopée intime et historique.

Hollywood revisite avec brio l’Histoire de France dans ce Marie-Antoinette qui incarne avec Autant en emporte le vent (Victor Fleming, 1939) la grande épopée romanesque de la fin des années 1930 pour la MGM, autant au niveau des moyens déployés que de l’immense succès rencontré par le film. Marie-Antoinette fut le dernier projet d’Irving Thalberg, qui décéda en 1936, et de son épouse et star de la MGM Norma Shearer qui, malgré sa peine et les accusations répétées de favoritisme, en assurera l’accomplissement. Divisé en deux parties, le film, bien que très fidèle aux évènements, brode dans sa première partie les faits de la façon la plus captivante qui soit tandis que la seconde partie, centrée sur la Révolution, suit dans une marche funeste et implacable la grande Histoire. Le prologue narre donc le mariage et la découverte de la cour de France par Marie-Antoinette. Du jeu d’adolescente délurée de Norma Shearer au faste déployé pour les grandioses séquences d’arrivée à la cour et de noces du couple de dauphins, tout semble fait pour nous plonger dans une atmosphère de pur conte de fées. Magnificence des costumes, photographie immaculée et figurants à perte de vue, le charme ne va brutalement s’interrompre que lorsque l’on découvrira l’air benêt, l’allure lourde et la diction hésitante du futur Louis XVI, incarné par Robert Morley. Ce dernier réalise une prestation étonnante, pitoyable et risible, puis, progressivement, de plus en plus touchante dans cette figure pathétique d’homme enfant paisible aux habits trop grands pour lui. Il est comme extérieur à cette cour par sa simplicité, son manque d’ambition, tout comme le sera Marie-Antoinette lorsqu’elle sera progressivement isolée de par son statut d’étrangère – ce même si ensemble, ils finiront par nouer une sorte d’affection fraternelle.

Si elle ne peut être une épouse et une dauphine aimée du peuple, elle sera l’égérie de Paris ; à W.S Van Dyke de nous plonger dans un montage virtuose pour un tourbillon de fêtes et de plaisirs tapageurs où Adrian et Gile Steele s’en donneront à cœur joie dans les costumes et atmosphères extravagants. Cependant, malgré les frivolités, il est à noter que le scénario dépeint efficacement les jeux de pouvoir de la cour, que ne maîtrise pas Marie-Antoinette, cible facile et trop naïve pour comprendre le double jeu de ses « alliés » – belle et perfide Comtesse du Barry (Gladys George), savoureux Duc d’Orléans fourbe et séducteur incarné par un Joseph Schildkraut méconnaissable poudré et en perruque. Dans ce monde de faux-semblants, le seul qui lui dira la vérité quand elle se fourvoiera, la réconfortant même le temps d’une – courte – disgrâce, sera le Comte de Fersen (Tyrone Power). Le script sera d’ailleurs d’une fatalité parfaite en instillant cet amour à Marie-Antoinette, qui l’espérait et sera ainsi prête à renoncer à la reconnaissance et à l’amour de son mari précisément au moment où ils sont à portée de main. La scène de déclaration entre le Comte de Fersen et Marie-Antoinette est superbe, Norma Shearer étant touchante d’abandon tandis que Tyrone Power est admirablement mis en valeur dans cette beauté juvénile et sincère dont on ne peut douter, une ellipse savante suggérant pour conclure leur unique nuit passée ensemble – Roi et Reine devenant mari et femme avec des enfants après cette scène… W.S. Van Dyke annonce la seconde partie ténébreuse avec cette scène de couronnement funeste qui s’éloigne de l’éclat qui a prévalu jusqu’alors.

Réponse austère à l’opulence qui a précédé, cette seconde partie apparaît comme une punition venant sanctionner l’indifférence face aux souffrances du peuple, un montage avec une voix off inquisitrice la soulignant lourdement. La Reine centralise la haine des nobles et quelques-unes de ses mésaventures, comme « l’Affaire du collier », annonceront sa chute prochaine. La narration s’avère alors moins aventureuse et surprenante, W.S. Van Dyke ne maintenant notre attention qu’en insufflant une atmosphère pesante, claustrophobe, ainsi qu’en s’en tenant au jeu puissant de Norma Shearer, jusqu’à cet incroyable final où sur le point d’être guillotinée, on la découvre vieillie et totalement brisée par les épreuves – toute cette dernière scène cédant à un symbolisme issu du muet. Les responsabilités de Marie-Antoinette auront été soulignées dans la première partie tandis que les séquences finales donneront lieu à des séquences illustrant les facettes les moins valeureuses de la Révolution à travers les opportunistes et revanchards cédant à la barbarie et à la cruauté afin de servir leur ambition. Quelques scènes sont à ce titre marquantes, comme l’assaut de Versailles par les révolutionnaires face à une famille royale sans défense, ou les touchants derniers instants en famille de Louis XVI – scènes qui donneront définitivement plus de crédit à la prestation de Robert Morley, plus fine qu’il n’y paraît. En somme, une fresque réussie, à la vision pas si éloignée de celle, plus récente, de Sofia Coppola.

 

Titre original : Marie-Antoinette

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Durée : 149 mn


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