Maradona par Kusturica

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Emir Kusturica décide de capter l´essence d´un artiste du ballon rond, le légendaire Maradona. Le résultat, dénué de réflexion, plonge ce film dans un maelström de parlotte de troquet. Consternant !

Quelque part dans un vieux quartier de Buenos Aires, un colosse barbu rencontre un géant au détour d’une ruelle. Ils décident d’aller boire un coup dans le bar le plus proche. L’un remporta deux fois la palme d’or à Cannes, fut qualifié de conservateur et adore errer dans les campagnes européennes avec son groupe de clochards célestes. L’autre se fait appeler El Pibe de Oro (« Le gamin en or »), remporta une pléthore de récompenses, devint la jouissance d’un peuple entier et finit pitoyablement sa carrière, le nez dans la poudre blanche. Emir Kusturica porte un vigoureux toast avec Diego Armando Maradona, et en profite pour filmer ses retrouvailles bucoliques.

L’affiche du film, d’emblée, en dit long sur un film qui n’apporte rien. Aucune lumière sur la beauté gestuelle du footballeur, aucune analyse sur un éventuel rapport avec le sport, et surtout, une absence confondante et surprenante de recul de la part du cinéaste, qui se borne à ne filmer que lui, ses œuvres, sa place dans la vie de Maradona et son égo. Kusturica perd beaucoup d’humilité en filmant un quinquagénaire meurtri, déformé et abattu par tant d’années d’excès. Là où il aurait pu, à la manière d’un Pialat dans Van Gogh, retirer tout artefact et se concentrer uniquement sur l’art comme moyen de survie, l’auteur d’Underground préfère enlacer son compagnon de beuverie tout en lui évitant un véritable travail de documentariste.

Cet opus est scandaleusement raté, car il affiche un profond mépris pour le spectateur. A aucun moment, Kusturica ne daigne poser sa caméra frénétique pour mieux savourer le temps qui passe. De mots qui fâchent à des saynètes fantaisistes, de rigolades endiablées à des commentaires ambigus, Maradona n’en perd pas le fil et se délecte dans cette agressivité qui lui causa pas mal de torts dans le Passé. Tout y passe et rien ne se crée. Kusturica poursuit cette quête de non-sens en filmant en gros plans des réflexions de bistrot et, pire que cela, en volant la vedette dans des moments hautement saugrenus.

Un reportage qui aurait pu être diffusé sur M6 un dimanche en deuxième partie de soirée. Navrant !

Titre original : Maradona by Kusturica

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Durée : 95 mn


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