Mandela : Un long chemin vers la liberté

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Un biopic de plus… mais sur la vie d´un homme symbole de la lutte pour la paix et la liberté dont le chemin mérite encore et encore d´être parcouru.

Jeudi 5 décembre 2013, Nelson Mandela, un long chemin vers la liberté est projeté en avant-première européenne à Londres en présence de ses deux filles. Pendant la projection Zenani et Zindzi Mandela sortent de la salle. Madiba, père de l’Afrique du Sud, leader anti-apartheid, 95 ans, est mort. Coïncidence tragique… ce biopic prend alors une toute autre dimension et sonne comme un hommage à cet homme que la planète entière pleure.

Mais connaissons-nous tout de la vie de Mandela ? Nombre de productions ont déjà tenté de rendre compte de la vie du libérateur de l’Afrique du Sud. Chacune d’elle s’intéresse à une relation ou à un moment particulier dans la vie de l’homme. Les plus connues sont Goodbye Bafana qui traite de la relation entre le geôlier et le prisonnier et Invictus qui se focalise sur les efforts déployés par Mandela Président pour réunifier le pays à travers le rugby. Un long chemin vers la liberté voit plus grand et retrace en moins de 2h30 la vie du père de l’Afrique du Sud des années 50 à son accession à la présidence en 1994. Basé sur l’autobiographie de Mandela dont les droits ont été achetés par un producteur sud-africain avant même la publication du livre, il y a dans ce film la volonté d’être le biopic « officiel », le film hommage à ce héros du XXe siècle, un postulat renforcé par le triste timing de sa sortie.

C’est Justin Chadwick, réalisateur anglais (l’œil d’un Sud-africain aurait peut-être été plus intéressant), qui filme de manière conventionnelle la vie de cette homme extraordinaire et fait certains raccourcis. Le film commence à Johannesburg, le jeune Mandela exerce le métier d’avocat et plaide pour les plus démunis mais sans explication sur comment il est arrivé à exercer un métier exclusivement réservé à la minorité blanche… Même lacune sur son ralliement à l’ANC (African National Congress) dont on n’arrive pas à saisir les raisons profondes. Chadwick s’attache plus à l’homme, il le montre boxeur, véritable force de la nature, coureur de jupons, infidèle à sa première femme et père absent. Mandela avocat, Mandela révolutionnaire non-violent, Mandela guérillero, Mandela prisonnier, Mandela oeuvrant pour la paix… C’est l’acteur incarnant le symbole de la lutte anti-arpatheid qui donne sa force, et donc son intérêt au film, Idris Elba arrive à insuffler à son personnage une aura, un charisme, une énergie et une douceur qui traverse l’écran et qui touche par son authenticité.

 

Nelson Mandela, un long chemin vers la liberté s’intéresse également à Winnie, la deuxième femme et l’amour de la vie de « Madiba », incarnée par une Naomie Harris saisissante avec un accent sud-africain parfait. Chadwick montre bien comment cette femme persécutée par la police pendant les années de captivité de son mari, développe une haine sans limites contre la minorité blanche. Faisant partie de la branche radicale de l’ANC et allant jusqu’à pratiquer le « supplice du pneu », cette haine finit par la séparer définitivement de Mandela. C’est d’ailleurs une des grandes réussites de ce film, montrer les voies différentes que deux êtres peuvent prendre : Winnie choisit la violence et la radicalisation, Mandela garde le cap de la non-violence et oeuvre en silence avec les autorités blanches pour pacifier le pays, faisant de cette phrase son adage « Personne ne naît haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, ou de son passé, ou de sa religion. Les gens doivent apprendre à haïr, et s’ils peuvent apprendre à haïr, on peut leur enseigner aussi à aimer, car l’amour naît plus naturellement dans le cœur de l’homme que son contraire. ».

Au-delà de la photo et de l’imagerie grandiloquentes dont Chadwick use et abuse, Un long chemin vers la liberté remplit avant tout son devoir de biopic informatif allant jusqu’à intégrer dans le script les citations les plus célèbres de l’homme. Pas plus pédagogique qu’un bon documentaire sur le sujet, il a l’avantage de nous distraire, de nous transporter à coup de belles images et de plans séquences à couper le souffle sur le chemin de ce combattant pour la paix, prêt à mourir pour une société libre et démocratique. Sujet politique en Afrique du Sud, certains diront que ce film ne fait que « renforcer la propagande hagiographique de l’ANC », pour le spectateur du reste du monde, Un long chemin vers la liberté est un très bel hommage à cet homme symbole d’une nation arc-en-ciel et une leçon de tolérance, de paix, de liberté… qui mérite d’être parcouru encore et encore.

« Au cours de ma vie, je me suis entièrement consacré à la lutte du peuple africain. J’ai lutté contre la domination blanche et j’ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d’une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie et avec des chances égales. J’espère vivre assez pour l’atteindre. Mais si cela est nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. »

Titre original : Mandela: Long Walk to Freedom

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Durée : 146 mn


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