Mai 68, la belle ouvrage

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50 ans après, mai-68 semble renaître, et pas seulement au cinéma. Voici un film coup de poing inédit pour se souvenir ou se révolter à nouveau.

Un film culte

Film encensé lors de la première Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 1969, ce film ne sort en France sur les écrans que ce mercredi 25 avril. Réalisé par Jean-Luc Magneron, qui fut sociologue et créateur du Centre international du théâtre expérimental et, en 1966, directeur de la Télévision gabonaise, Mai 68, la belle ouvrage est maintenant un film culte indispensable à ceux qui voudraient comprendre cette révolte, à défaut d’être une révolution. Commençant par les célèbres propos du Général de Gaulle lors de son entretien avec Michel Droit le 7 juin 1968 et qui, après ces terribles événements, déclarait fièrement, à l’instar du préfet en place, Maurice Grimaud, que la police avait fait son devoir sans faire de victimes, le film nous prouve vite le contraire. En effet, que ce soit les images d’archives pleines de violences et de cris, ou encore les nombreux témoignages recueillis par le réalisateur, tout concorde à témoigner du contraire. Mai-68 fut un véritable carnage, certains policiers étaient devenus enragés et ont souvent outrepassé les consignes de leurs supérieurs, s’acharnant parfois sur les jeunes manifestants.


La caméra témoin des violences

Jean-Luc Magneron promène sa caméra au milieu des barricades comme un témoin pérenne de ce pan de l’Histoire de France récente et donne la parole, en plans fixes, à de nombreux acteurs qui prennent le temps de bien expliquer aux futures générations, mais sans le savoir alors, ce qu’est la violence que les étudiants n’ont cessé depuis de connaître car le pouvoir, absolument pas démocratique, est sourd à leurs demandes. Journalistes, étudiants, urgentistes, médecins, mais aussi artistes témoignent en effet à visages découverts des exactions de la police et des CRS et leurs paroles se répondent, dénonçant des événements très graves qui ont changé l’image des étudiants en France pendant des années. Mais aussi celle du pouvoir qui, quelques mois plus tard, obligea le chef d’Etat à capituler après un référendum. Rien n’est plus comme avant depuis 1968, la peur du fascisme est inscrite dans nos vies. Et aujourd’hui plus que jamais avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron pour lequel quelques anciens soixante-huitards ont voté pour tenter d’échapper au fascisme du Front national. Ceci est en effet bien paradoxal surtout quand on entend l’actuel chef de l’Etat, et ses conseillers, se montrer aussi droit dans leurs bottes que le Général de Gaulle au sujet de la violence policière. En 50 ans, on constate que bien des choses ont changé dans ce pays, et notamment la façon de s’exprimer des étudiants qui maniaient alors la belle langue française, mais pas du tout la violence et le déni de liberté. Pourquoi, depuis, personne n’a trouvé autre chose que la violence pour écouter la parole des jeunes ? Entre infantilisme et autoritarisme, c’est un crève-coeur que de voir le monde aussi ignorant et sectaire.

Le vieux monde est toujours là

En réalisant ce film, Jean-Luc Magneron ne savait peut-être pas qu’il allait laisser une telle trace dans l’histoire du cinéma, et dans l’histoire du pays, et que son frère vient de perpétuer en permettant au film de sortir enfin sur les écrans, justement à une époque qui semble, pour le moment, juste une pâle copie de mai-68. Mais la révolte est toujours là et n’attend qu’une étincelle de taille pour que la jeunesse recommence à dresser des barricades, même si elle a perdu l’habitude du discours politique, pourtant indispensable à toute action révolutionnaire, du moins pour fédérer les acteurs. Mais ce coup-ci, écologie oblige, peut-être que tout sera presque pareil mais qu’ils ne couperont pas les arbres. Les CRS, en revanche, et on vient de le voir, taperont toujours aussi fort. Cours, cours, camarade, le vieux monde est derrière toi. Pas si sûr !

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Durée : 117 mn


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