Julio Medem est un ancien diplômé en médecine et chirurgie reconverti dans le cinéma, dont la notoriété a franchi depuis longtemps les frontières de l’Espagne, avec notamment L’écureuil rouge (1993) sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, Tierra (1996) en compétition officielle à Cannes, Les amants du cercle polaire (1998) et Lucia et le sexe (2001) entre autres. Ses films font le tour du monde et c’est le cas pour le dernier-né, Ma Ma, dont le titre joue bien sûr sur la polysémie du mot espagnol, qui désigne à la fois le sein qui donne la tétée et la maman. Car c’est bien de cela qu’il s’agit dans ce mélo dont nous allons tâcher, avec beaucoup de difficulté, de dissimuler l’intrigue. Pourtant la tentation est grande. Comme certains confrères se seront gentiment dévoués pour le pitcher, allons-y presque gaiment. Enfin, gaiment est vraiment ici une façon de parler tant le réalisateur n’y est pas allé de main morte avec un scénario truffé de morts, de coma, de cancer, de viscères, de radios, de chômage, de crise économique, d’accidents et de souffrances, et on en passe, si bien qu’en comparaison, ce pauvre Almodóvar paraît bien timide avec sa pauvre Julieta. Pourquoi se priver du malheur des autres, surtout lorsqu’il est présenté d’une manière aussi glamour et photogénique. Penélope Cruz n’a jamais été aussi belle et aussi bien photographiée que dans ce film dont elle est aussi coproductrice. Le réalisateur, sympathique au demeurant, raconte que ce scénario dormait dans son tiroir depuis des années lorsque son amie, Penélope excusez du peu, lui a demandé depuis Los Angeles où elle venait de s’installer s’il n’avait rien pour elle. Elle a été séduite et on la comprend car, pour une actrice exhibitionniste, est-ce un pléonasme ?, le sujet était en or. Se montrer malade à l’écran, interpréter la souffrance et l’humiliation d’une maladie incurable qui s’attaque sournoisement à ce qui représente à la fois la maternité et l’artéfact de l’érotisme, quoi de plus tentant quand on est aussi belle que la Cruz qui s’y donne à fond et avec un talent encore plus éblouissant que chez Almodóvar ?
Le résultat donne un film pas si antipathique en fait, mais complètement truffé d’invraisemblances, si bien qu’on en vient à se dire qu’il faut le présenter comme un conte, légèrement catho progressiste, magnifiant la maternité, l’amour maternel et filial, et la foi sous des aspects plus ou moins de pacotille. En effet, avec ce scénario qui, traité par un Bergman ou un Pialat, serait un monument d’angoisse ou de rage contre la cruauté de la vie, ici rien : on sourit presque tout le temps, présentant, comme les Américaines savent si bien le faire, un visage radieux et quasiment extatique même quand tout va mal et que la fin est proche. Ça porte ses fruits apparemment puisque la vie réserve à son héroïne, Magdalena, des rencontres aussi saugrenues que magnifiques telles qu’un entraîneur du Real Madrid quand son petit garçon rêve de devenir footballeur, et un gynéco chanteur quand elle est gravement malade, le tout traité presque comme dans une comédie musicale où l’on bascule du rire aux larmes ou vice-versa sans crier gare. C’est le monde des bisounours à l’espagnole, entre bel appartement, clinique hi-tech et plage avec cocotiers de temps en temps. Bref, une vision de la vie un peu agaçante devant trop d’optimisme alors que rien n’y prédispose aucun des protagonistes. Par moments, ce n’est plus un film, mais une bande-démo pour une secte qui professerait le nec plus ultra de la méthode Coué avec un optimisme forcené qui lui permet « de vivre pleinement chaque instant » comme le déclare le synopsis officiel. Satisfait, nous terminons cet article sans avoir pitché le film ce qui est un exploit dont nous ne sommes pas peu fier, et secundo nous tairons jusqu’au bout le clou du spectacle qui constitue à la fin le point d’acmé de ce mélo sirupeux et cependant, on se répète, bien filmé, bien interprété et sympathique.
Merveilleusement servi par des interprètes de premier plan (Gene Tierney, Rex Harrison, George Sanders) sur une musique inoubliable de Bernard Herrmann, L’Aventure de Madame Muir reste un chef d’œuvre inégalé du Septième art, un film d’une intrigante beauté, et une méditation profondément poétique sur le rêve et la réalité, et sur l’inexorable passage du temps.
Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.
En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…