D’abord la mère. Belle, resplendissante et intelligente. Puis le père. Difficile d’en parler, son importance est considérable, certes, mais il l’aime trop pour le critiquer, pour déposer des lignes sur du blanc pur. Si tout avait été plus simple, il aurait certainement rengainé son flingue et l’aurait regardé sans broncher, sans hurler, juste quelques notes de musiques, un léger Simple twist of Fate qui aurait adouci définitivement ses oreilles, et il aurait compris, ce père bougon, que son fils l’aime. Il lui a déjà dit, d’ailleurs, mais l’a-t-il écouté une fois? Papa, Luke se brûle les mains, gobe des œufs pour gagner un pari stupide et surtout, il clame son innocence dans chaque plan que Rosenberg crée. On est en 1967, et Luke pose inlassablement cette question : "papa, qu’as-tu fait à la guerre ?"
Stuart Rosenberg répond à cette question. Toujours dans une filmographie moyennement prestigieuse, mais qui eut le mérite d’exister. Sorti tout droit des plateaux TV (comme Sydney Lumet, un bon pote), Stuart Rosenberg, ancien prof de lettres, a constamment filmé sa part d’ombre dans des œuvres radicales et originales, sans verser dans le sentimentalisme. Avec Luke, la main froide (son chef-d’œuvre pour certains), il joue la carte de la poésie pénitentiaire et parsème ses plans d’une caméra chatoyante et rarement voyeuriste. Et son flm est devenu un classique depuis que M. Eddy l’a encensé dans sa dernière séance, depuis que Tavernier et Coursodon se sont lâchés dans leur dictionnaire du cinéma américain et depuis que des p’tits jeunes devenus producteurs TV ont repris la trame poético-philosophique du film pour créer des perles telles que The Sopranos (l’analyse de la dépression est quasi similaire à celle de Luke).
Et puis il y a cet air, ces quelques notes de guitare joliment (composées par le génial Lalo Schiffrin, futur responsable de la BO de Bullitt), qui présentent le personnage, le remettent à sa véritable place, celle des loosers aux grands cœurs, des anti-héros qui n’aspirent qu’à une chose, qu’on leur fiche la paix définitivement. Rien que pour cela, Luke la main froide est une référence et continue d’éparpiller sa morale moderne.
Luke, la main froide (Cool Hand Luke)
Article écrit par Samir Ardjoum
En ce temps-là, Lou Reed chantait Pale Blue Eyes et de l´autre côté du miroir, Paul Newman l´écoutait assidument. Sacrée Luke !