L’odeur du vent

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Une panne d’électricité provoque une rencontre entre deux hommes solitaires et isolés du fin fond de l’Iran. Chef d’oeuvre absolu.

Le sol dur et la misère

Voici le quatrième long-métrage du réalisateur iranien, venu de la mécanique automobile, mais également acteur. Il interprète d’ailleurs le rôle du technicien du service de l’électricité dans le film, rôle qu’il emplit d’humanité et de bonté. Après Bardou en 2013, Memiro en 2015 et Here en 2018, L’odeur du vent restera sans doute comme l’un des meilleurs films de l’année 2023. Le titre français de son dernier film est un peu étrange, d’autant que le vent n’occupe pas de place dans le scénario et ne respecte pas le titre iranien, Derb qui, dans la langue de la région du réalisateur, signifie « sol dur ». Cette référence au sol fait bien sûr allusion au gagne-pain du père lourdement handicapé du film qui, pour survivre et nourrir son fils grabataire, gratte le sol de la montagne pour y recueillir une substance médicinale traditionnelle qu’on vient lui acheter de temps en temps. 

Rétablir la lumière

Le film raconte une histoire simple, celle d’une coupure d’électricité dans cette partie isolée de l’Iran et le chemin semé d’embûches que doit accomplir le père lourdement handicapé moteur pour obtenir le service compétent. Ensuite, le film décrit le même chemin du technicien dépêché sur les lieux pour la réparation. Ainsi que le constate le réalisateur et acteur du film dans le dossier de presse du film : « En faisant ce film, j’ai souhaité montrer la dignité des habitants de cette région, malgré tous les problèmes et les difficultés qu’ils affrontent. Ce qui m’intéressait c’était d’approcher ces gens simples, solidaires et qui vivent dans la simplicité de la nature. Ce film est pour moi le film le plus important que j’ai réalisé. » La nature dans le film est filmée magnifiquement, comme une entité parfois dangereuse mais toujours bienveillante pour qui sait la respecter. C’est ainsi que le réalisateur a choisi de montrer le technicien en bute avec les caprices de l’espace, de la terre, de la technique et de la société, aidé en cela par un directeur de la photographie hors pair, Mansour Abd-Rezaei. On pourrait comparer d’ailleurs ce magnifique film à ceux du grand Abbas Kiarostami, ce que nie pas Hadi Mohaghegh en regrettant toutefois qu’il n’ait pas été plus reconnu en Iran alors, mais aussi à un autre maître iranien, Sohrab Shahid Saless, l’auteur de Un simple événement et de Nature morte. 

La force de la lenteur

L’odeur du vent, avec son titre choisi certainement par un distributeur désireux d’en rendre toute la force tellurique, est un film hommage à la dignité humaine, à sa solidarité mais aussi à sa solitude et à sa grande force, pourtant. A travers les deux personnages principaux, affrontant chacun leur lot de problèmes pour rétablir l’électricité c’est-à-dire la lumière et l’énergie, le réalisateur parvient à donner une image sublimée de l’Iran qui connaît pourtant bien des vicissitudes. C’est un film lent, presque contemplatif, où l’image donne de l’importance au moindre brin de terre, à la moindre herbe qui pousse dans cette aridité, mais aussi à la vie humaine souvent aussi frêle qu’un fétu de paille et où, cependant, les hommes se soutiennent non seulement pour survivre, mais pour aimer. Il fallait d’ailleurs donner à ce film une lenteur qui en fait toute sa force et son génie. Le réalisateur en parle parfaitement dans le dossier de presse : « Ce que j’entends par lenteur d’un film, c’est que je pense que celle-ci doit être au service de la vie et de son rythme. En fait, j’ai passé ma jeunesse dans une région rurale. Le mode de vie des gens de ce lieu où j’ai grandi et les effets de l’environnement sur leur travail, m’ont imprégné et m’ont donné plus tard cette nostalgie de l’adolescence. Ceux-ci font partie intégrante de moi. » 

Titre original : Derb

Réalisateur :

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Durée : 90 mn


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