Livre « Universal, 100 ans de cinéma » de Jean-François Rauger (dir.)

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Retour sur 100 ans de films à << la plus grande des petites majors >>.

La parution de ce livre/catalogue accompagne la rétrospective qui débutera à la Cinémathèque le 5 décembre prochain. Elle en livre quelques clés de lecture, en associant aux textes de présentation des quelques 101 films programmés une présentation historique du studio, insistant sur l’évolution des choix stratégiques suivant les personnalités installées à sa tête et les reventes successives, des chapitres retraçant les trajectoires d’un choix de producteurs et cinéastes marquants, ainsi qu’un autre consacré à la production de série (les sérials, films de monstres, films avec Abbott et Costello, avec Maria Montez…).

Les textes sont l’œuvre de spécialistes (Eisenschitz, Rauger, Bénoliel, Berthomieu…). Ils sont accompagnés d’une riche iconographie sur papier glacé, invitant à flâner entre les pages, à laisser (re)venir à soi les films connus ou pas, tout en parvenant à participer, pour ce qui est des périodes les plus denses du studio en termes de production (les années 30-50), d’un foisonnement qui emporte dans le même mouvement La Soif du mal (1958) d’Orson Welles ou L’Étrange créature du lac noir (1954) de Jack Arnold.

Ce travail d’Histoire du cinéma, par la programmation et par l’écriture, s’inscrit dans une démarche énoncée dès les premières pages : comprendre la fabrique du cinéma, en l’occurrence du cinéma hollywoodien, par les rouages du système, l’évolution de lignes directrices déterminées par les hommes du studio, les rencontres et l’établissement de conditions favorables (ou non) qu’elles entraînent, éléments ressortant de l’observation d’un « génie du système » à l’œuvre, qui n’a pas vocation à éliminer la notion d’auteur, mais à la complexifier. Universal sert en quelque sorte ici de cas concret à cette conception aujourd’hui peu discutable.
 
 


L’
Étrange Créature du lac noir de Jack Arnold

 
 
Les textes les plus développés, à savoir ceux concernant les figures de producteurs et de cinéastes, donnent à voir, malgré un format qui reste toujours synthétique, les implications esthétiques ressortant des changements à la tête du studio, ainsi que des périodes de coopération entre certains cinéastes et producteurs (exemples typiques du travail mené par Ross Hunter et Douglas Sirk, ou Aaron Rosenberg et Anthony Mann). L’ensemble trace un portrait global du studio, qui compte quelques grands films dans ses tiroirs (les Stroheim, Stahl, Siodmak, Mann, Arnold, Sirk, Hitchcock, entre autres…), pour lequel le tournant des années 70 aura été marqué à la fois par l’invention du blockbuster (Les Dents de la mer, 1975) et le début de la collaboration avec Spielberg, « l’enfant d’Universal » (1).

Il laisse finalement sur le sentiment de quelque chose d’aujourd’hui assez éteint. Le manque de personnalité de certaines des plus grandes affiches des années 70 (L’Arnaque, George Roy Hill, 1973 ; Airport – George Seaton, 1970 ; et cætera), le choix de deux films assez ternes, le Gladiator (2000) de Ridley Scott et le King Kong (2005) de Peter Jackson, pour illustrer toute la période de 1982 (post E.T. – Steven Spielberg, 1982) à 2012, se révèlent symptomatique d’une absence d’engagement esthétique. Ce qui plaisait chez Universal survit ailleurs, notamment dans certaines productions Amblin’ (un îlot au milieu de Universal City) comme l’indique Berthomieu dans son texte sur Spielberg, ou encore dans les films SF de chez Paramount.

 



 
Universal, 100 ans de cinéma, sous la direction de Jean-François Rauger, Éditions de la Martinière, Cinémathèque française, Universal, 280 pages.

(1) Opus cité, p.91.


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