« Pour que naisse le film, il lui faut d’abord se révéler, sortir de la nuit d’avant le cinéma. » Belle intuition ouvrant le texte d’Alain Philippon, L’Enfant-cinéma, publié dans les Cahiers en 1983 au moment de la sortie de L’Enfant secret (avec lequel l’ouvrage d’Azoury présente une filiation évidente) laissant sourdre ce mouvement garrélien, à rebours, opéré vers deux formes d’archaïsme (psychisme et cinéma) pour y puiser de la matière. Il y a dans ces quelques mots à la fois une fascination pour la dimension chimique du cinéma, et un espace qui relie les accrocs mécaniques d’un filmage et d’une projection à la manivelle avec les séductions du rêve. Ce regard pour partie tourné vers l’origine, qui laisse quelque chose de l’origine revenir jusqu’à lui, Philippe Azoury l’accompagne également en lui adjoignant une dimension visionnaire, une lucidité sur son temps qui s’illustre notamment par la manière dont Les Amants réguliers (2005) semble, dit-il, à la fois dire quelque chose de 68 et anticiper les mouvements étudiants de 2006.
Ce qui est en jeu de manière transversale, dit Philippe Azoury, dans la trentaine de films constituant l’œuvre de Garrel, fondant son homogénéité esthétique, est une certaine appréhension du temps : temps éprouvé, travaillé et rendu sensible à l’excès par des matériaux visuels et sonores. Temps courbé, temps de la reprise, que ne cessent de venir repeupler des figures aimées et disparues.
Philippe Garrel, en substance de Philippe Azoury, éditions Capricci, 254 pages, en librairie depuis le 28 mars 2013. (1) p.32