Livre : Hollywood, cinéma et idéologie

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Glamour, strass et paillettes du microcosme hollywoodien ne sont que de perfides subterfuges. Tapis dans l’ombre, des enjeux idéologiques se transmettent vingt-quatre images par seconde.

Hollywood, cinéma et idéologie, de Régis Dubois, Éditions Sulliver, 2008 (En librairie depuis le 14 mars).

Régis Dubois, dans son ouvrage Hollywood, cinéma et idéologie, s’attaque avec une verve syntaxique à tout ce que le cinéma étasunien tente, consciemment ou non, de dissimuler. L’auteur met en exergue au fil des pages une vision réaliste, parfois inattendue, du pouvoir des images sur les spectateurs, et, par extension, sur le monde. Parce que le cinéma est un « spectacle inoffensif », il est, avec encore plus d’impact que n’importe quel autre mode de communication, un « vecteur d’idéologie ». Le septième art est certes un divertissement de masse qui « entretient l’optimisme de l’american dream », tendant à faire oublier le contenu latent qui est véhiculé dans une oeuvre d’art. Pourtant, chaque création ne jouit-elle pas d’un voeu inconscient?

En sachant que 75% des images diffusées dans le monde sont d’origine américaine, il y a de quoi s’interroger. Rien d’étonnant dans le fait de voir pousser des Mc Donald à chaque coin de rue, ou de croiser régulièrement des concitoyens en Jeans tenant comme un trésor un gobelet du Starbuck Café. L’American Way of Life s’est définitivement imposé et a imposé son mode de pensée. La grande force de cette vision de l’humanité réside dans sa capacité à transformer l’existence en îlot paradisiaque. Parce que le cinéma hollywoodien se met « au service de l’optimisme »; la réalité y est « sublimée, fardée ». Le spectateur, dans cet univers à part qu’est la salle de cinéma (être dans le noir devant un grand écran facilite une certaine immersion), ne peut qu’être « envoûté » par l’évidence du Happy End.

Quel que soit son sujet, le cinéma étasunien s’attache donc à une transmission sous-jacente de son idéologie. Les exemples sont nombreux et diversifiés. La saga des Tarzan, savant mélange « d’écologie, de primitivisme et de sensualité », en plus d’évoquer un certain retour aux sources (le fameux paradis perdu par Adam et Eve… n’oublions pas que la société américaine est particulièrement chrétienne, voire même créationniste), justifie par ailleurs l’esclavage et l’impérialisme occidental. Le personnage de Jane, en offrant à Tarzan culture et confort, est métaphorique de tout le bien que les États-Unis peuvent apporter aux peuples primitifs.

L’auteur évoque aussi les films de boxe, des « success story à la gloire de l’Amérique », qui peignent les conflits au sein de la société. Il s’attarde ensuite sur deux films mettant en scène le débarquement en Normandie (Le jour le plus long, 1962, et Il faut sauver le soldat Ryan, 1998), véritables odes à l’héroïsme des soldats, sortes de personnages christiques qui acceptent la souffrance comme un chemin de croix.

Finalement, ce qui réunit autour du peuple américain et par extension autour du modèle WASP (White Anglo-Saxon Protestant), c’est l’antithèse du Nous. Cet Autre, « celui qui ne partage pas ma réalité », celui qui est différent, celui qui effraye, il peut être Peau Rouge, Noir, Alien ou Mutant. Il envahit toujours de petites villes tranquilles et menace femmes et enfants. Mais voilà : l’Autre, par son intrusion irrespectueuse,  est surtout un rassembleur du « peuple américain autour d’un même consensus politique et identitaire ».

Une évidence en fin d’ouvrage : le cinéma ne peut se restreindre à du divertissement inoffensif. Un artiste, par ces choix esthétiques, diégétiques, etc., joue le jeu du parti pris. Sans voir de la propagande à chaque coin d’écran, le spectateur se doit d’être vigilant et actif. Le cinéma, art des masses, est dangereux lorsqu’il manipule les foules, lorsqu’il les lobotomise. Régis Dubois manie avec tact l’art de la narration : jamais il ne tombe dans la banalité, dans la facilité. Un livre riche et passionnant qui s’adresse aussi bien au néophyte qu’au lecteur averti.


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