L’homme d’Aran (Man of Aran)

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Pour qui accepte le parti pris de documentariste de Flaherty (mettre en scène la réalité afin de partager un point de vue singulier sur elle), L’Homme d’Aran (qui date de 1934) est un véritable bijou cinématographique qui tend à rendre compte de la survie de l’homme confronté à la puissance de la nature, de l’océan […]

Pour qui accepte le parti pris de documentariste de Flaherty (mettre en scène la réalité afin de partager un point de vue singulier sur elle), L’Homme d’Aran (qui date de 1934) est un véritable bijou cinématographique qui tend à rendre compte de la survie de l’homme confronté à la puissance de la nature, de l’océan en l’occurrence, survie orchestrée entre pêche et travail d’une terre peu fertile. Ce parti pris, à l’origine du cinéma documentaire, a fait couler beaucoup d’encre, et pour cause : tout ici est mis en scène.

Primauté est ainsi donnée à la description de ce que connaît le réalisateur – la culture de ces côtes irlandaises et de leurs habitants –, au détriment de la réalité d’une captation directe, de sorte que les personnages ont été recrutés et forment une famille fictive, recréant pour les besoins du film des situations types de leur quotidien. Le décor touche au sublime (l’infini de l’océan, les falaises adjacentes) et la réalisation s’attarde à en montrer la grandeur par des prises de vue saisissantes.

Il ne s’agit pas de rendre compte de la vérité historique des conditions de l’îlien d’Aran au début des années trente, mais de s’attacher à des personnages qui inventent leur vie et leur survie. C’est ainsi également un film sur l’enfance, sur l’apprentissage du monde. L’enfant n’a pas le droit d’aller pêcher le requin au large, d’aller défier la tempête. Mais c’est finalement son point de vue qu’adopte le plus souvent le film. Un regard des falaises sur l’immensité et la dangerosité de l’océan, sur le travail ingénieux de sa famille pour cultiver des pommes de terre dans un paysage de pierres. Confusion des regards. L’enfance et le cinéma, l’innocence de ces premiers documentaires qui ne sont pas de simples documents, mais du cinéma.

L’Homme d’Aran est d’abord un film de montage. Il figure la relation de l’homme à la mer par le montage alterné des actions, des paysages, et des regards ; renvoyant ainsi ses protagonistes à l’élément, tour à tour déchaîné et calme, riche et source d’effroi, par un va-et-vient constant de l’image. Pour une étude éclairée de sa composition, on pourra lire le texte de Jean-Louis Comolli paru dans Images documentaires N°20, où l’auteur montre à quel point le montage est l’élément essentiel de la composition du film en ce qu’il en crée non seulement la narration, mais surtout en ce qu’il en détermine lui-même les prises de vue. En effet, Flaherty, au cours des deux années de tournage, avait établi sa table de montage sur les îles de sorte à ce qu’il puisse tourner jusqu’à ce que la composition finale des plans lui convienne ! « Inlassable défiance envers ce qui est tourné, (et) une confiance qui ne s’appuie que sur le monté ». Ce montage est une sorte de leçon originelle des pouvoirs oniriques de mise en scène de la réalité : par son découpage et sa composition, le film diffère de la simple expérience vécue et la retraduit poétiquement. De là Comolli dit qu’il « utopise » la réalité.

Pour finalement mieux la servir et lui rendre hommage. Le film montre ainsi des personnages vainqueurs des requins et des tempêtes, surmontant les obstacles naturels par leurs désirs. Et donc pas de simples humains qui vivent, mais des hommes qui ont une raison noble d’exister.

Titre original : Man of Aran

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Durée : 80 mn


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