Si l’on retrouve la beauté formelle typique du réalisateur avec ses cadrages en forme de tableaux vivants, ses mouvements de caméras opératiques et la photographie somptueuse d’Ennio Guarnieri, l’ensemble dégage une surprenante froideur. Alors que les élans romanesques de Metello ou Bubu de Montparnasse (1961) transcendaient par l’émotion cette recherche plastique, on est ici dans la pure étude clinique distanciée. On se trouve dans une Rome sale, sinistre et en pleine reconstruction où l’on va constater les changements des mentalités en cours. D’un côté l’existence austère et sans plaisir d’un Anthony Quinn qui ne goûte guère à la bagatelle malgré ses richesses et de l’autre ses enfants aux moyens limités qui mènent la grande vie. Gregorio est un homme au franc-parler brutal qui s’est élevé à la force du poignet, ses descendants préférant eux accumuler les courbettes dans la haute société dans l’espoir de s’y établir. Le lien entre ces deux mondes va se faire par l’intermédiaire du personnage d’Irène (Dominique Sanda). Issue d’un milieu modeste, elle allie la détermination impitoyable de Gregorio (et à sa manière la patience de « l’entrepreneur » dans ses manigances) et les goûts de luxe de ses enfants, à mi-chemin entre l’ancienne et la nouvelle génération.
Faussement timide et introvertie, elle va se révéler une ambitieuse sans scrupules qui va cajoler, séduire et finalement tromper tout le monde pour s’adjuger l’héritage. Belle-fille attentionnée qui trouvera la faille dans la solitude du vieil ours bourru qu’est Gregorio, épouse attentionnée pour Pippo et amante torride pour Mario (formidable première étreinte où Fabio Testi manipulé pense avoir eu l’initiative), elle est fausse en tous points. Dominique Sanda est fabuleuse (et judicieusement récompensée du Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes 1976), séductrice et charnelle mais avec toujours ce discret regard en coin où l’on devine le calcul constant. Tout ce monde s’avère grandement détestable dans cette intrigue en forme de partie d’échecs où l’enjeu matériel résidera toujours dans le legs de la fortune du patriarche. Pourtant, Bolognini n’oublie jamais que ses protagonistes n’en restent pas moins humains et c’est dans l’expression de leurs émotions qu’ils se perdront : Irène trop joyeuse lorsqu’elle approche du but, Mario le séducteur qui tombe amoureux contre toute attente et surtout Gregorio qui s’endort pour de bon après avoir goûté une dernière fois aux plaisirs de la chair. Au final, le constat s’avère identique et aussi cinglant que dans Le Mauvais chemin – les puissants sont toujours vainqueurs -, mais sans désormais qu’on s’émeuve du sort de victimes en définitive tout autant méprisables.