L’Été de Giacomo

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Chronique d’un été.

« Giacomo est le petit frère de mon meilleur ami ; il est devenu sourd à l’âge de 8 ans suite à une méningite. Mon désir de faire le film remonte à l’été 2008. Giacomo, d’une voix cassée, me dit qu’il voulait se faire opérer pour entendre. C’était, pour moi, comme s’il allait perdre sa pureté, sa singularité. » Pureté et singularité sont en effet les deux mots qui viennent à l’esprit quand on essaie de définir un film comme celui d’Alessandro Comodin, qui signe avec L’été de Giacomo son premier long métrage, Léopard d’or-Cinéaste du présent au Festival de Locarno en 2011.

C’est dans la campagne du Nord de l’Italie que Giacomo, un adolescent sourd, part vers le fleuve avec Stefania, sa meilleure amie. En s’éloignant des sentiers battus, ils se perdent et arrivent dans un endroit paradisiaque où ils se retrouvent seuls et libres. Ils ont 19 ans et leurs sens s’éveillent. Le film tient en ces quelques lignes qui pourraient faire office de synopsis et de résumé.

Après avoir suivi les deux personnages tout au long d’une promenade dans les bois, la caméra s’arrête au bord d’un ravin : il donne accès à une rivière qui pourrait être un lieu réservé aux accouchements divins. Peu importe que Giacomo dise qu’il s’agit du Tagliamento – un fleuve qui passe par la Région des Friuli-Venezia-Giulia, la région même du réalisateur –, dans ce film, il n’y a pas de place pour l’Histoire. Seules comptent les perceptions, sensorielles et auditives, d’un adolescent qui découvre en lui une énergie dont il fait cadeau au réalisateur. On a souvent l’impression que ce sont les personnages qui font avancer le film et non une préalable décision de mise en scène. Le réalisateur, aussi cadreur, suit ce que Giacomo et Stefania produisent au cours de leur rencontre. On assiste à la naissance de quelque chose, et donc aussi à une perte : perte de repères d’abord, puis d’une partie de soi. Les bois du début du film deviennent alors la piste d’un bal où la caméra saisit le manque de confiance initial de Giacomo. Après des pas trébuchants, celui-ci se laisse peu à peu aller.
 

Film de silence (cependant la Nature parle), L’Été de Giacomo est aussi un film de bruit : un bruit très puissant et apparemment privé d’harmonie. Giacomo frappe sur une batterie dans un lieu désaffecté pas loin du fleuve avec une violence qui signifie son désir de communion avec la Nature et la jeune femme. Le film exige un spectateur patient et attentif. Il doit apprendre à écouter la langue qu’Adam et Eve parlaient au Paradis terrestre : l’hébreu selon certains, le grec selon d’autres, un mélange des deux d’après d’autres encore. Mais peut-être aucune langue, si la langue marque la séparation du sujet du monde et sa tentative de le récupérer. La voix de Giacomo est cassée et le spectateur ne peut visualiser sa parole. Il doit se confier à la beauté du geste, à la danse des personnages et essayer de sentir la beauté de la trace d’animalité que la voix de Giacomo porte en elle : la trace d’un monde qui précède la grammaire telle qu’on l’apprend à l’école. « Pour L’Été de Giacomo, j’avais relu Les Métamorphoses d’Ovide, un ouvrage qui m’a accompagné pendant tout le projet. J’avais en tête l’idée d’en faire une déclinaison contemporaine », dit, fort justement, le réalisateur. Et Giacomo est justement à la frontière de l’homme et de la bête.  
 

Titre original : L'Estate di Giacomo

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Durée : 78 mn


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