Les Lumières du faubourg (Laitakaupungin valot)

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Rarement, pour ne pas dire jamais, la solitude n’aura paru si belle que chez Kaurismäki. Profond hommage au cinéma de Chaplin, Les Lumières du Faubourg clôt une trilogie sur la misère et le désespoir entamée par Au Loin s’en vont les Nuages et poursuivie par L’Homme sans Passé (Grand prix, Cannes 2002). Caméra plantée au […]

Rarement, pour ne pas dire jamais, la solitude n’aura paru si belle que chez Kaurismäki. Profond hommage au cinéma de Chaplin, Les Lumières du Faubourg clôt une trilogie sur la misère et le désespoir entamée par Au Loin s’en vont les Nuages et poursuivie par L’Homme sans Passé (Grand prix, Cannes 2002).

Caméra plantée au milieu d’un paysage froid et dépouillé. Cadrage fixe, puis quelques mouvements succincts. Koistinen erre, tel un vagabond. La tristesse se lit sur son visage, mais aux inutiles paroles il préfère le silence. Le cinéaste dessine ainsi les contours de son anti-héros. Un homme bien ordinaire, meurtri par la quotidienneté d’une vie morose et dépourvue d’intérêt. Vaurien notoire ou être ordinaire, fade et sans âme, Koistinen semble être un spectre. Allure fantomatique, inexistence physique au sein d’une société monotone et monochrome.

Le minimalisme de la mise en scène interpelle d’entrée. Quelques mouvements accompagnent les gestes et les attitudes des protagonistes, mais surtout, elle invite à un retour au cinéma de gestes et d’expressions. Les images parlent d’elles-mêmes, et relèguent les dialogues au second plan. Personnages face caméra, gros plan sur les visages, flou d’arrière-plan ; on pense immédiatement à un Ozu. Elle est bien là la « patte » Kaurismäki, dans ce subtil équilibre entre froideur et chaleur des plans.

Les déambulations de Koistinen sont accompagnées de plans-séquences magistraux, à la fois simples et complexes. Le cinéaste balaye un espace délimité par un cadrage qui élimine tout élément superficiel, et mis en évidence par des jeux de lumières somptueux. L’idée du film est également de revenir à une forme classique de cinéma, bercée par quelques notes mélancoliques qui transparaissent à travers un graphisme rétro et des couleurs kitch. Au final, le tableau qui nous est présenté sublime le désespoir pour le rendre merveilleux.

Les personnages s’observent, s’écoutent, se taisent puis se séparent. La rigidité des corps et l’absence de communication plongent bien souvent les personnages dans une position de contemplation. Le cinéaste s’attarde sur la médiocrité des êtres, sur des personnages sombrant dans les marasmes existentiels, balançant leur nonchalance de droite à gauche. Kaurismaki filme l’ennui, le temps qui passe mais dans lequel rien ne se passe…

Le film précédent de Kaurismaki, L’Homme sans passé, s’articulait autour de la reconstruction d’un homme à la recherche de son passé. Les Lumières du Faubourg prend la direction inverse : le personnage principal y est en quête d’un avenir. Pas de sentimentalisme au cours de cette quête, mais à l’évidence, Koistinen aura réussi à faire jaillir la lumière qui était en lui. L’espoir fait place au doute, les lumières restent allumées. La noirceur du quotidien continuer à planer, mais ne frappe pas.

Comme une farce émouvante et drolatique, burlesque et timbrée, Les Lumières du faubourg nous fait rire et pleurer. « Un film avec un sourire… et peut-être aussi, une larme », tel est le premier carton du premier long-métrage de Chaplin, The Kid
Profond hommage au cinéma chaplinesque, sublime peinture du désarroi et de la perversion des êtres, voici sans nul doute l’un des films les plus forts de l’année 2006, et assurément le grand oublié du festival de Cannes 2006. Un film fort et puissant, dernier épisode d’une trilogie admirable qui, dans la noirceur de son propos, aura évoqué les lumières du désespoir à nul autre pareil…


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