Les Interdits est né d’une expérience vécue par Anne Weil. Partie prendre des cours d’hébreu suite à un séjour en Israël, une rencontre avec un membre du bureau de liaison et d’entraide aux Juifs soviétiques la propulse en URSS. Elle a dix-huit ans et avec une amie, elle va transmettre des livres et des journaux interdits aux refuzniks, leur parler d’Israël, établir un lien entre eux et le monde au-delà du mur. Elle en reviendra bouleversée et choisira, des années plus tard, d’en faire le sujet de son premier film.
« Premier film », c’est un peu comme un « mais » en milieu de phrase, ça laisse place au suspense : positif ? négatif ? Dans le cas présent, c’est un procédé étrange qui fait d’un trop de positif un résultat plutôt négatif. La lumière est soignée, la reconstitution des intérieurs soviétiques est impeccable, la mise en scène est appliquée. Tout est si soigné que ça en devient ennuyeux. Tout se passe comme si, à l’instar de ses personnages, le film lui-même était enfermé. Aucun souffle ne le traverse, c’est la fiction la moins romanesque alors que les deux personnages principaux s’y prêtaient. Espions amateurs, ils partent dans un pays dont ils n’ont pas les codes, à la rencontre d’inconnus, autant de facteurs qui auraient pu, qui auraient dû, insuffler du rythme, de l’émotion, mais ici on est malheureusement trop sérieux quand on a vingt ans. Ce même sérieux qui plombe le film du début à la fin, justifié par son sujet ou plutôt par l’avalanche de sujets avec lesquels les réalisateurs jonglent tant bien que mal car on finit par se demander de quoi ça parle exactement. Des refuzniks enfermés dans leur pays ? Oui, un peu. D’une histoire d’amour impossible ? Oui, aussi. Des problèmes de filiation et de communautarisme ? Oui, un peu aussi. Est-ce que tout ça fait un film cohérent ? Non, pas vraiment. Le cas des juifs soviétiques apparaît comme un prétexte à traiter de l’amour interdit entre Jérôme et Carole pour qu’à la fin on ne nous parle ni d’amour ni de politique – et ce n’est pas l’épilogue vaudevillesque qui vient éclaircir la situation. Le film laisse donc une curieuse sensation d’inachevé, comme s’il s’était cherché sans jamais vraiment se trouver.