Les Acacias

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Ce road-movie au réalisme mignon ne mérite pas sa Caméra d’Or au dernier Festival de Cannes.

Le cinéma argentin a connu son heure de gloire au début des années 2000 avec des films vaguement conceptuels, la réalisatrice Lucrecia Martel étant sans doute l’une des plus importantes représentantes. Depuis, l’avalanche de films sortis a permis d’affiner le portrait d’un cinéma, qui reste souvent à mi-chemin du rapport documentaire au réel, et du romanesque outrancier (l’Oscar du meilleur film étranger en 2009, Dans ses yeux semblant aller dans cette direction).

Caméra d’Or lors du dernier festival de Cannes, Les Acacias se situe précisément à la frontière de ces deux pôles. D’un côté, le film de Pablo Giorgelli arbore un réalisme à la radicalité sourcilleuse: action quasiment en temps réel, intérêt pour les couches défavorisées du pays; et de l’autre, il se construit comme un feel-good movie à l’ancienne avec des recettes quasiment hollywoodiennes, qui lui ont probablement valu son prix à Cannes. Le film débute par des plans métaphoriques d’arbres découpés, mais le coeur du récit tient dans la rencontre de Ruben avec Jacinta, une paraguyenne, qu’il doit accompagner dans son camion jusqu’à Buenos Aires, en compagnie d’une petite fille.

Cette trame misérabiliste rappelle Bombon El Perro. Sauf que le film de Carlos Sorin avait le bon goût d’assumer sa volonté de faire un conte confortable. Ici, la première moitié du film abuse d’effets de réel visant à construire ce personnage de vieux camionneur un peu revêche. Le dispositif est néanmoins intéressant: le grand voyage annoncé (il y a plus de mille kilomètres entre Ascunsion et Buenos Aires) s’effectue à l’intérieur d’une minuscule cabine et les paysages sont continuellement filtrés à travers le pare-brise. Dispositif qui n’est pas non plus éloigné d’un film de Kiarostami où la voiture est souvent le seul espace de liberté (on se souvient notamment de Ten où une femme voilée enlevait son foulard au volant).

Mais à la différence des films du réalisateur iranien, Les Acacias n’utilise ce minuscule espace filmique que pour déployer une poussive comédie romantique. Les grosses ficelles du scénario apparaissent: le bébé est mignon, l’homme se laisse attendrir, le silence commence à se briser avant que chacun n’évoque sa famille et son passé respectifs… Réduit à des pantins, les personnages ne suscitent qu’une indifférence languide et Les Acacias ne brosse au final que le portrait d’un vieux monsieur en train de tomber amoureux. Un peu comme si un film de Jean-Pierre Jeunet  – le récit ne brosse au final que le portrait d’un incorrigible romantique trop timide pour se déclarer – se cachait sous les oripeaux d’un film au réalisme radical. C’est trop peu pour un film qui a reçu la Caméra d’Or et ne signe en rien l’apparition d’un réalisateur à la personnalité originale.

Titre original : Las Acacias

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Durée : 85 mn


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