Le Magnifique

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Désormais sur Netflix, ce film réalisé par Philippe de Broca en 1973, avec Jean-Paul Belmondo et Jacqueline Bisset, nous conte la vie quotidienne et monotone du romancier François Merlin, ainsi que celle, pleine d´aventures, de son personnage et alter ego, Bob Sinclair (tout deux interprétés par Belmondo).

Le début du film met en scène un agent secret téléphonant depuis une cabine. Celle-ci ne tarde pas à être soulevée par une grue, sortant d’on ne sait où, et jetée à la mer où un requin s’empresse d’en dévorer l’hôte.

Lorsque l’on voit ce film, on pense tout de suite à Gérard de Villiers et à sa série de romans d’espionnage, « SAS », ou encore aux « James Bond » de Ian Fleming.
Tel est le genre de romans de gare que François Merlin écrit.
Les intrigues, ayant toujours pour cadre des endroits exotiques (que son auteur n’a sûrement jamais vus qu’en photo), et dont le héros, un agent-espion pas secret pour un sou, fait succomber à son charme toutes les femmes qu’il rencontre, s’y résument à une course poursuite interminable avec le méchant Karpov, parsemée des cadavres de ses sous-fifres tués par dizaines à chaque tome.
De l’aventure, du sexe, de la violence, de l’exotisme et un héros macho, bref, la recette classique d’un récit populaire.

En regardant le début du Magnifique, on croit que De Broca nous sert un film d’action déjanté et rigolard, mais l’on découvre ensuite qu’il nous fait entrer dans l’imaginaire de François Merlin, le véritable protagoniste du film.
On peut ainsi voir François Merlin devant sa machine à écrire un jour de pluie, et passer aux aventures de son héros dans un décor paradisiaque dans la même scène.
On se rend alors compte au fil des séquences que l’auteur nourrit ses romans de ses fantasmes et de sa frustration ; ainsi il intègre à son récit des personnes réelles, qui, si elles lui sont déplaisantes, incarnent des « méchants », telles que son éditeur, dont il donnera les traits au rival de son héros. A contrario, la séduisante voisine de François Merlin sera la nouvelle conquête de Bob Sinclair.
Ce procédé, libérateur pour l’écrivain, le conduit à écrire des scènes hilarantes d’absurdité vengeresse.
C’est de cette façon, en réécrivant sa vie à son avantage dans ses romans, que François Merlin tente de satisfaire son égo et de remplir sa vie.

Le traitement graphique dont bénéficient ces scènes souligne également l’absurdité des personnages, des situations ou des descriptions décrites par l’auteur.
Lorsque Bob Sinclair tire un coup de feu, dix hommes meurent, et un torrent de sang dévale les marches jonchées de cadavres et d’agonisants.
De même, peu importe où se trouve Bob Sinclair : il fait beau, et il y a toujours de belles et lascives jeunes femmes naturellement vêtues de tenues diaphanes qui l’attendent dans de luxueuses demeures.

  

A contrario, il fait toujours un temps de chien pour François Merlin, son appartement est terne, chichement meublé, et sa vie n’est faites que de malchance et de petites misères.
Cependant, l’arrivée de sa nouvelle voisine va tout changer.
En effet François ne tarde pas à succomber à son charme, et se met à désirer pour lui-même et plus seulement pour son personnage.
Ainsi, à mesure que notre écrivain s’attache à sa voisine, il reprend pied dans la réalité, et engage un combat pour  y asseoir sa place.
Logiquement, ce nouvel élan va l’amener à repenser son travail d’écrivain ; ainsi, plus François Merlin va s’affirmer, plus il va éprouver de difficultés à rédiger les aventures de Bob Sinclair tel qu’il l’avait fait jusqu’à présent.
On peut même dire que, dans la mesure où cette renaissance du personnage de François Merlin l’amène à acquérir certaines caractéristiques qui font de son personnage un battant, cela conduit inévitablement à la mort de Bob Sinclair, dont il n’a plus besoin.

Moralité : les accrocs à Warcraft seraient peut-être plus épanouis s’ils devenaient eux- même des Orcs plutôt que de se contenter de les faire évoluer.

Si le réalisateur s’en était tenu à narrer les aventures de Bob Sinclair, le film aurait fini par être lassant, malgré des idées de mise en scène et des gags très réussis. En faisant de François Merlin le véritable protagoniste du film, auquel le spectateur n’a aucun mal à s’identifier (qui n’a jamais rêvé de vivre une des aventures de James Bond, ou de revivre une situation humiliante en la tournant à son avantage), Philipe De Broca construit un personnage intéressant, ainsi qu’un récit en trois actes efficace, avec notamment la résolution du faux problème (réussir à finir son roman dans les délais impartis).

On notera par ailleurs que ce film comporte l’une des meilleurs utilisations du personnage de Bébel au travers de Bob Sinclair, à savoir un personnage flamboyant, humoristique, mais dont l’invincibilité et la trop grande désinvolture, tel James Bond, l’empêchent de devenir un véritable héros, poignant, avec ses paradoxes et ses faiblesses.
Car finalement, le véritable héros c’est l’écrivain, lui qui a su s’arracher à son rêve baroque mais castrateur pour vivre pleinement, et jeter aux ordures un personnage dont l’existence est finalement un fantasme, la vision déformée et acidulée de ce que pourrait être une vie d’aventure et de romantisme.

Titre original : Le Magnifique

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Durée : 99 mn


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