Le Déserteur

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Film rêvé, et cauchemar sur la guerre, la force de ce second film s’impose comme une évidence.

Après le succès de Félix et Meira en 2014, Maxime Giroux a eu l’idée d’un scénario ambitieux qui se passerait entre le Québec et les Etats-Unis mais le projet aurait été trop coûteux. Il a été obligé de se soumettre au principe de réalité en nous livrant un film plus intimiste, même si ses personnages sont confrontés à l’immensité de l’Ouest américain. Le déserteur s’impose comme un film à clé, peu facile d’accès, mais d’une beauté fulgurante que n’aurait pas reniée André Breton, dans le choix radical d’un jeune Québécois qui refuse de faire la guerre et qui part sur les routes de l’Ouest américain pour y découvrir l’âpreté du paysage et la violence des relations humaines. Bien évidemment, l’auteur a dû songer à la célèbre chanson de Boris Vian dont son film porte le titre, en mettant en images la révolte d’un jeune homme qui refuse de faire la guerre, de tuer, d’où ces images d’archives qui surgissent au moment où on ne s’y attend pas et qui montrent les gueules cassées dans toute leur simple horreur.

 

 

« Quelle connerie la guerre »

Justement parce qu’il ne dit pas de quelle guerre il s’agit, les costumes des protagonistes nous donnent quand même des indices, même si le film se présente comme une fable sur l’absurdité de toute guerre. Son héros, ou plutôt son anti-héros, a quitté sa famille avec laquelle il ne communique plus que par téléphone quand il en trouve un au milieu de nulle part, pour errer sur les routes désertiques, déguisé en Charlot comme Chaplin pour tenter de gagner sa vie dans des compétitions qui ne vont pas sans rappeler les concours de danse qui sévissaient dans les années 30 et qu’on voit dans On achève bien les chevaux. L’univers du film oscille entre un univers à la Godot de Beckett et celui du Petit Prince de Saint-Exupéry, mais dont Maxime Giroux et ses coscénaristes, Simon Beaulieu et Alexandre Laferrière, auraient pris le contre-pied. En effet, sur sa route, Philippe ne rencontre pas de renard, ni de rose, mais des épines et des ennemis violents qui ne veulent pas tous son bien, ni être apprivoisés.

 

 

Un cauchemar dans les plus beaux paysages américains

Vision cauchemardesque de l’humanité, Le déserteur qui aurait dû s’appeler La grande noirceur, n’est pas non plus un road-movie, mais une sorte de voyage initiatique. « Il y a beaucoup de moi dans chacun de ces personnages, déclare le réalisateur dans le dossier de presse du film. Je m’identifie totalement à Philippe, ce Québécois qui déserte sa nation pour partir aux États-Unis, où il se cherche, où il se perd. Les États-Unis peuvent être violents. Dans ma carrière de cinéaste, j’ai souvent eu l’impression qu’on m’enfonçait dans la boue… » Jusqu’à sa rencontre avec le représentant en cigarettes qui le sauve, en rêve ou dans la réalité, le héros du film ne croise sur son chemin que des mauvaises personnes qui contredisent complètement à la fois la vision humaniste du personnage de Charlot le vagabond créé par Charlie Chaplin, mais aussi l’assertion optimiste qui ouvre le film. « On veut tous aider les autres, l’être humain est comme ça : on veut se faire du bien, pas se faire du mal, dans ce monde y a de la place pour tout le monde », peut-on y lire en effet, tout en sachant bien sûr qu’il n’en est rien et que ce voeu pieux restera lettre morte dans ce monde qui ne rêve que de faire la guerre et où les déserteurs n’ont que la place du fusillé.

Titre original : La Grande Noirceur

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Durée : 94 mn


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