Layla

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L’Afrique du Sud comme lieu du mensonge et de la dissimulation. Point de vue intéressant qui oscille entre film psychologique et thriller, sans trouver vraiment sa voie.

D’origine à la fois sud-africaine et suédoise, Pia Marais a voulu tourner (et retourner) dans son pays après être passée dans de nombreux pays européens, et avoir réalisé son premier long métrage, Trop libre (2008), en Allemagne. C’est la rencontre choc avec un pays qui l’étonne et l’inquiète en fait puisqu’elle se demande comment, dans une Afrique du Sud qui a connu un tel passé, les gens peuvent continuer à se côtoyer et à se faire confiance. Son film va alors s’employer à étudier le comportement d’une femme, Layla qui donne d’ailleurs son nom au film, belle et jeune femme noire qui devient le postulat de l’histoire. Layla est convaincue « de sa capacité à être sincère, à soutenir ce en quoi elle croit. Avec la sincérité vient peut-être aussi la responsabilité », constate Pia Marais.

Il paraît que l’Afrique du Sud est un pays où les gens ont l’obsession de la sécurité, les appartements et les immeubles sont hyper protégés, un peu comme dans certains quartiers d’Amérique du Nord. Cet aspect, en même temps qu’une architecture très moderne et lisse, donnent au film un côté un peu science-fiction surtout si l’on considère le travail qu’accomplit Layla. On la voit d’ailleurs dès les premières images du film dans l’exercice de son métier qui consiste à passer des employés à la question. En effet, elle manipule comme une vraie scientifique un appareil à détecter les mensonges à la demande de certaines sociétés qui veulent tester l’honnêteté des cadres et employés qu’elles embauchent. Ce seul élément donne déjà un bel aperçu du degré de paranoïa qui se déploie dans le pays.

Il est alors paradoxal qu’en exerçant une telle profession, Layla puisse après tomber dans le piège du mensonge. Alors qu’elle provoque un accident et blesse mortellement un homme sur la route, elle ne dira rien à la police et cachera cette mort à tout le monde. Sauf à son jeune garçon qui a assisté à la scène et qui devra à son tour garder le silence. Quand on sait en plus qu’elle s’enfonce dans une telle spirale du mensonge pour le protéger, on comprend encore une fois que le film n’est qu’une réflexion sur la vérité et le mensonge, ces deux faces parfois indiscernables chez un être humain et que l’on constate chaque jour, notamment dans les suspicions qui naissent autour d’hommes politiques et d’hommes d’affaires de plus en plus nombreux, dans le monde entier.

 

La vie de Layla avec son fils aurait pu continuer comme ça si elle n’avait pas rencontré sur son lieu de travail un troublant jeune homme, Eugene Pienaar, qui va s’éprendre d’elle et réciproquement. Son désir sera sans cesse troublé par le souvenir de son mensonge d’autant que le hasard, qui a placé ce beau jeune homme sur son chemin, n’a pas fait les choses en vain quand on comprend qui il est. La forme de paranoïa qui embrouille les pensées de Layla va prendre une tournure inquiétante, mais on ne la sent pas culpabilisée pour autant. Son attitude pourrait provoquer un drame, notamment sur ce pont où s’est réfugié son petit garçon qui menace de se suicider et qui fera sans doute l’affiche du film.

Layla est un film intéressant pour diverses raisons, déjà parce qu’il est rare qu’on nous donne des nouvelles de l’Afrique du Sud. Ensuite, parce qu’il est remarquablement bien interprété et photographié. Il plane parfois, dans certains plans, comme une ambiance hitchcockienne indéfinissable et un peu vénéneuse. La réalisatrice a le don, en effet, de faire passer les tourments du mensonge dans les expressions de son personnage principal jusqu’à propager cette inquiétude même chez le spectateur. Pourtant le film aurait gagné à être plus resserré sur son sujet, ou peut-être légèrement moins long. On attend à chaque fois qu’il tourne au thriller et il n’en est rien. Peut-être est-ce aussi bien ce qui en fait sa force et son charme ? « Désormais le tissu de mensonges, le climat de méfiance dans lequel Layla a dû s’enfermer, explique Pia Marais, la poussent à un sévère examen de conscience, dont elle ne sortira pas indemne. »

Titre original : Layla Fourie

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Durée : 108 mn


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