L’art de la pensée négative

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Surprenant, amusant, désespérant… Le premier film du norvégien Bard Breien manie avec habileté l´art de faire rire de tout, même du pire.

Pour un premier long métrage, L’art de la pensée négative peut se vanter de se délester de tout compromis. Geirr, l’(anti) héros, est handicapé et promène agressivement son mal-être destructeur sur son fauteuil. Du genre à cogner sans vergogne la coach «optimiste» venue le sortir de sa torpeur et à embrigader la petite troupe d’invalides qui accompagnent la brave femme. Dès les premières minutes, l’offensive est lancée. Le combat oppose la justicière bien portante, défendant sa méthode positive, et le guerrier à la « pensée négative », prêt à tout pour imposer sa philosophie.

A travers un huis clos bien pensé, Bard Breien fait exploser une à une les moindres considérations politiquement correctes. Pourquoi cracher honteusement ses angoisses et autres lamentations d’handicapés dans le « sac à merde » – défouloir thérapeutique – prévu à cet effet, alors qu’on peut tout aussi bien s’y complaire ou les partager ? Pourquoi feindre le sourire lorsqu’on peut se laisser submerger par le chagrin ou la colère ? Autrement dit, pourquoi se forcer à positiver quand on peut tranquillement broyer du noir dans son coin ? Au même rythme que la dévastation progressive de la maison proprette, le défoulement libérateur et incontrôlable de la horde d’handicapés prend le pouvoir.

Le réalisateur norvégien dose juste ce qu’il faut d’humour noir et de lucidité pour que s’emboîtent allègrement scènes désopilantes et situations tragiques. Qu’elle s’infiltre dans les répliques cinglantes ou dans la violence inopinée, l’ironie est partout. Et c’est à coup de drogue, d’alcool et de roulette russe que Geirr le conquérant fait triompher la « négative attitude ». Filmés frontalement, les personnages gagnent en réalisme. A l’heure où tombent les masques, les regards désespérés fixent droit devant eux, comme pour percer symboliquement les insouciants assis de l’autre côté de l’écran. Puis comme dans un clip, un travelling de côté balaie chacune des histoires, Johnny Cash et Apocalypse Now en fond sonore.

Bard Breien, artiste de la pensée négative, offre ainsi une nuit d’ivresse inoubliable à quiconque oserait se mentir à lui-même. Le rythme trépidant de noirceur s’adoucit peut-être un peu vite vers la fin pour provoquer une once de nostalgie, mais la philosophie du film a eu le temps de s’imprégner. Au point de murmurer « Assumons d’être malheureux et restons le, le plus longtemps possible. »

Titre original : Kunsten a tenke negativt

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Durée : 79 mn


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