L’Apôtre

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Avec courage, encore une fois, Cheyenne Carron se penche sur la manière de vivre sa foi et livre un très beau film, élégant et sensible.

Cheyenne Carron nous a habitués au courage, que ce soit dans Ne nous soumets pas à la tentation (2011) ou La Fille publique (2013), dans lequel elle raconte sa jeunesse dans sa famille adoptive. En s’inspirant d’un souvenir d’enfance, elle a voulu revenir sur le sentiment religieux, le pardon et l’amour de son prochain. Elle nous livre ici un film magnifique sur la foi, sur la manière dont elle se vit chez les chrétiens et chez les musulmans, sans parti pris mais avec une force et une détermination qui forcent le respect. Pour son dernier film autoproduit, Cheyenne Carron manifeste également un grand discernement pour le choix des acteurs puisque, cinéaste non reconnue par l’establishment, n’ayant jamais reçu un centime d’aide de la part du CNC, elle fait tout elle-même. Elle nous confie d’ailleurs que la fatigue et l’âge arrivant, elle se sent un peu épuisée. Ses prochains films, elle tentera de les faire produire à l’étranger, encore une preuve de la manière dont fonctionnent les institutions françaises dans la réalité alors que leurs intentions, au départ, sont plus que louables. Fin de la parenthèse revendicatrice.

Le film commence par la violence, celle infligée par un homme à une jeune femme douce (celle dont se souvient Cheyenne Carron), et se termine par une scène de prière de paix entre deux frères opposés par leurs choix religieux. Il faut dire que Cheyenne Carron confie être une catéchumène et qu’elle a pensé et écrit ce film au moment de sa préparation au baptême. Il est empli de l’amour du Christ et du pardon propres à la religion chrétienne. Par les temps qui courent, où nous sommes plus habitués à la langue de bois ou à la violence au moins verbale, il lui fallait une bonne dose de courage et de pugnacité pour confronter deux communautés religieuses. Elle n’a pas eu peur et les réticences sont en fait plutôt venues du côté catholique (par peur de blesser ou d’encourager à la polémique) que du côté musulman.

L’action se situe dans une petite banlieue calme de la région parisienne, dirait-on : pavillons coquets, ambiance quasi villageoise, loin de l’anonymat et la froideur des tours des cités périphériques. Dans ce village donc, alors qu’il est sorti à bicyclette acheter du pain pour sa mère, un jeune homme Akim, magnifique et magnétique Fayçal Safi, est troublé par ce qu’il vient d’apprendre : la police emporte le corps d’une femme qui vient d’être assassinée et c’est la scène d’ouverture du film à laquelle nous avons assisté. Peu à peu, il apprendra que la femme était la sœur du prêtre du village et que celui-ci a toutefois voulu continuer à vivre près de la famille de l’assassin de sa sœur pour les soutenir moralement. C’est cette mansuétude qui va troubler Akim au plus profond de son âme et, lorsqu’il va rencontrer Fabien, jeune garagiste qui lui répare sa bicyclette, devenir son ami et être invité au baptême religieux de sa petite fille, sa vie va basculer vers le Christ et ses paroles de pardon. Alors que ses parents le destinaient secrètement à devenir imam, Akim va entrer dans une spirale de souffrance et de conflit, notamment avec son frère qui vit sa religion musulmane dans une sorte d’intolérance qui confine à l’hystérie.

 

On le voit, Cheyenne Carron n’a pas choisi ici la facilité. Son film ne tombe cependant dans aucun piège et reste d’une grande neutralité bienveillante, même si son choix pour la religion chrétienne, plus tolérante et plus œcuménique, ne fait aucun doute. Bien renseignée sur les dogmes de ces deux religions, la réalisatrice parvient à donner un éventail assez large des différentes manières de vivre dans ou hors la religion, quelle qu’elle soit, entre l’indifférence bienveillante de Fabien qui fait toutefois baptiser son enfant, la modération religieuse des parents d’Akim, le rôle assez tempérant de l’oncle hadj, la violence et le fanatisme du frère aîné Youssef, la bonté non ostentatoire du prêtre et la ténacité du renégat, qu’on traite d’apostat musulman converti au catholicisme.

Soutenu par sa jeune sœur, magnifique Sarah Zaher, Akim va se plonger alors dans les Saintes Écritures pour en sortir plus fort et plus libre. Il parviendra même à insuffler plus de tolérance à la communauté musulmane, notamment en ne voulant pas donner à son frère Youssef le nom des deux membres de sa communauté qui l’ont passé à tabac. C’est sans doute en raison de cette puissance du pardon et du don qu’Akim arrivera à convaincre Youssef de la pureté de sa foi. C’est justement au moment où ce dernier sera intronisé imam qu’il se réconciliera avec Akim dans ce qu’on pourrait qualifier de point d’acmé du film : la prière commune dans le jardin familial, bouclant le film sur son message d’amour et de bonté. Un très beau film, à voir et à projeter à tous les enfants du monde pour qu’ils comprennent enfin que la religion doit réunir les hommes et non les diviser.

Titre original : L'Apôtre

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Durée : 90 mn


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